La mère
La mère pose son ouvrage sur le guéridon, à ses côtés. Elle est fatiguée, ses traits sont tirés. La nuit, discrètement, est tombée sur la campagne, et la lune recouvre le jardin de sa douce clarté.
La jeune femme soupire et se lève, avec effort. Elle se dirige vers le grand miroir du salon, accroché au dessus de la commode. Elle se dit qu'elle ne sait plus à quoi elle ressemble. Elle détaille chaque parcelle de son visage : sa peau qu'elle trouve terne, ses yeux rougis d'avoir fixé l'aiguille, et ses cheveux fins tirés en chignon. Elle ne sait plus si elle est belle. Elle est mère, et cela envahit sa vie, toute sa vie, jusqu'au repos des enfants.
Elle prend une fleur en papier aux couleurs vives dans le vase blanc, de toute évidence décorée par de petites mains maladroites, et en écarte les bords pour lui donner du volume. Puis elle la coince sur son oreille, et se sourit dans le miroir.
Elle essaye de se souvenir du dernier jour où un homme l'a fait tournoyer au rythme d'une valse, de l'ivresse ressentie, de la légèreté.
Enfin, elle éteint chaque lampe, une à une, et monte se coucher, la fleur toujours accrochée à son oreille, oubliée.