Le magasin de musique
Quinze jours que je passe devant cette vitrine, tous les midi.
Elle est toujours là, à l’intérieur, assise sur son tabouret haut, à grignoter un sandwich, le regard dans le vide. Elle vend des instruments de musique, des petits, des gros, des à vent, à cordes, à percussion.
Je suppose que, d’ordinaire, elle accueille le client avec un grand sourire sérieux, qu’elle époussette consciencieusement avec un chiffon doux le lourd piano rutilant, ou qu’elle classe les partitions sur le présentoir du fond. Je suppose…je n’en sais rien. A l’heure du déjeuner, le petit panneau de l’entrée retourné, le magasin sombre dans l’obscurité, il est fermé. C’est alors que je passe, et que je la vois, dans son intimité secrète, dans sa fausse invisibilité.
Quinze jours que je passe devant cette vitrine…mais demain je rentrerai, je franchirai ce seuil. J’ai pris mon après-midi. Je me suis renseigné. J’ai entendu sa voix fine au bout du fil. Je n’ai pas le choix, si je veux la voir, et la revoir encore ! Le Bonheur n’a pas de prix. J’ai vendu ma voiture, j’ai réservé le grand piano noir. Depuis, je me déplace à pieds.
Elle m’a promis, que pour le montant payé, elle m’assurerait des accordements réguliers, à mon domicile. Demain, le piano me sera livré, elle touchera de son regard les objets de mon quotidien.
J’oserai la courtiser.