La marche du cavalier, Geneviève Brisac

"A partir d'une remarque de Vladimir Nabokov ("J'ai des préjugés contre toutes les femmes écrivains. Elles appartiennent à une autre catégorie", Ndlr) Geneviève Brisac interroge les formes que revêt l'écriture des femmes, les figures de leur style, et en décrypte le sens caché. De Karen Blixen à Virginia Woolf en passant par Jean Rhys, elle explore onze manières d'écrire - c'est-à-dire onze manières de penser et de sentir le monde." (extrait de la quatrième de couverture)

Il a été amusant pour moi de commencer ce livre, et je comprends Geneviève Brisac, sa colère: "J'écris ce livre sous le coup de la colère ou sous le coup du chagrin.". J'ai moi-même essayé, autrefois, sans doute mal conseillée, de bâtir un mémoire de maîtrise sur les écrits américains de Vladimir Nabokov. Après avoir lu tous ses livres, parcouru plusieures de ses interviews, j'ai fini par détester le personnage, malgré la qualité évidente de certains de ses romans, un auteur imbu de lui-même et macho à souhait. J'ai renoncé à mon mémoire, pour d'autres raisons, mais celle-ci ne fut pas la moindre, je n'avais plus d'attrait pour mon sujet...

Pour revenir à La marche du Cavalier, Geneviève Brisac semble s'inspirer ici du pamphlet célèbre de Virginia Woolf, Une chambre à soi (ce qui n'est guère étonnant), et nous parle de l'écriture au féminin, de ses auteurs fétiches (Jane Austen, Grace Paley, Flannery O'Connor, Rosetta Loy, Ludmila Oulistkaïa, Karen Blixen, Alice Munro, Sylvia Townsend Warner, Jean Rhys, Christa Wolf, etc), de la difficulté d'être femme et écrivain, et de ces phrases que la littérature porte depuis toujours en elle, ces phrases si masculines, des thèmes peu abordés en littérature, de l'enfant qui prend tant de place aux quotidien et si peu de place dans les pages de nos livres, etc...

Mais qu'est-ce donc que cette "marche du cavalier" ?
"L'oeuvre de Grace Paley est un commentaire constant de la phrase de Virginia Woolf : "Il faut inventer une phrase nouvelle, naturelle, et qui convienne aux manières d'être et de penser des femmes."
Une phrase assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience - comme disait Baudelaire -, qui prenne la forme naturelle de la pensée sans l'écraser ni la déformer. Un jour, il y a bien longtemps, on a renoncé aux corsets, aux jupes à paniers, aux chapeaux hauts de forme, aux cannes à pommeau doré, aux ombrelles, et aux cochets.
Marguerite Duras ou Nathalie Sarraute, par exemple, ont réfléchi à cela, et illustré cette phrase respirée autrement, cette oralité construite, cette nervosité sophistiquée, la "marche du cavalier", l'humour invisible qui donne envie de dire à leurs lectrices :"J'aurais pu écrire cela, c'est exactement les mots qui me manquaient."

Une lecture difficile à noter, hors cadre, que je recommande chaudement aux écrivains en herbe, au féminin, en parallèle avec Une chambre à soi !

Comments

[antigone]

Lily : ambitieux ? Oui, peut-être mais sa lecture en est très simple, finalement !
Le rapport avec les échecs est sans doute là...je n'y connais pas grande chose...sans doute dans cette action de faire un pas de côté (seul le cavalier peut le faire, non ?)
Oh oui Nabokov...pfff...je conseille sa période russe tout de même !!! J'ai détesté son roman Ada, en fait, très dérangeant, alors que Lolita ne m'avait pas gênée, et puis ses "commentaires" en interview...

[lily]

le sujet est très ambitieux, je trouve... et très intéressant. Dès que je le peux, je le lis..
Est-ce que le titre du livre "La marche du cavalier" a un rapport avec les échecs ??

PAs étonnée au sujet de la personnalité de Nabokov... (même si je le connais très mal :)

[antigone]

Non malheureusement...elle ne parle pas de George Sand !! Pour faire une bonne maîtrise, il faut bien choisir son sujet, c'est la clé, et ne surtout pas rentrer dans le monde du travail en même temps, découragement garanti !! ;o)

[george sand et m]

Parle-t-elle de George Sand? J'ai été très sensible au résumé de ce livre qui bien sûr me titille! Mais y-a-t-il une écriture féminine et une écriture masculine? c'est un vaste débat que Béatrice Didier a aussi analysé dans un ouvrage "L'écriture-femme" au PUF en 1999.
C'est dommage pour ta maîtrise mais c'est aussi toute la difficulté de trouver un sujet qui nous anime pendant une année pour la maîtrise, 3 ans au minimum pour la thèse!
Bonne journée et ce livre va prendre sa place dans mon carnet de lecture !

[antigone]

Bel Gazou : très intéressant !!
Cathulu : oh oui, celui avec Desarthe !! Encore un que je souhaite lire !!
Anne : oui, je comprends !
Clarabel : je l'ai peu lu encore mais je suis contente d'avoir eu l'occasion de l'entendre et de la "rencontrer" !!
Sylire : oui très !!