La Ballade de Baby, Heather O'Neill
Elle s'appelle Baby. Elle n'a que douze ans. Un père, Jules, encore adolescent et junky, et des chambres meublées miteuses, lui tiennent lieu de foyer. Intelligente et sensible, bonne élève, Baby connaît les pièges des quartiers sombres de Montréal dans lesquels elle traîne. Elle porte un regard tendre et réaliste sur les bandes de gamins qui l'entourent, aime ces adultes en dérive qu'elle contemple tanguer, où ceux plus doux qui l'hébergent un moment. Baby accroche son bonheur aux murs de sa solitude, sait grapiller ici et là des instants de grâce. Elle tombera pourtant, en toute innocence, dans les bras de la "rue"...
J'ai eu un véritable coup de foudre pour ce livre ! Je suis étonnée d'ailleurs qu'il ne s'agisse ici que d'un premier roman tant est maîtrisé, et riche, chez Heather O'Neill, le style, la description et psychologie des personnages, l'univers dans lequel baigne notre jeune héroïne.
Sans trop vouloir m'avancer, voici un auteur de talent qui peut cotoyer sans rougir les plus grands. J'avais envie que cette ballade là ne cesse jamais... Je suis toute disposée à la relire, encore et encore.
Un extrait...
"J'ai couché avec un mec pour cinquante dollars. Ma cousine et moi, on a fait ça dans la rue Ontario. Rien de plus facile. Elle a récolté deux cent dollars en une nuit."
Ne sachant si elle plaisantait ou non, j'ai lâché un bref rire sonore. Ca ne faisait pas le même bruit que d'habitude, on aurait dit que je riais dans une pièce complètement vide. J'étais encore mal à l'aise à l'idée des relations sexuelles. Quand j'ai entendu parler pour la première fois de rouler une pelle, j'ai cru que c'était une chose réservée aux malades mentaux ou, tout au moins, aux gosses qui n'avaient pas réussi à passer au cours moyen.
"Tu veux des détails ?"
Elle a approché son visage du mien, presque à le toucher. Son haleine sentait le tabac et la mort. Soudain, j'ai trouvé quelque chose d'inhumain à cette fille, je me suis dit que, si elle ouvrait la bouche et penchait la tête en arrière, j'apercevrais les rouages du mécanisme interne, un poids suspendu là, par exemple, au lieu des amygdales. Et si elle toussait, en regardant son Kleenex, on verrait des clous et des vis. C'était sûrement pour ça qu'il lui manquait un doigt. Elle avait dû tomber, et le doigt s'était détaché. Tout à coup, je me suis sentie aussi seule que si j'étais le dernier être humain sur toute la planète.
J'ai murmuré que je devais rentrer à la maison, j'ai tourné les talons et je me suis éloignée."
Un livre lu dans le cadre du grand prix des lectrices de 2009
Catégorie Roman
ISBN 978-2-264-04514-0 - 13 € - 03/2008
Une lecture, trouvée par hasard, chez Pause toujours, auquelle j'adhère complètement. Une autre chez Métro france. Pour ceux qui lisent en anglais, un portrait à lire ici.
Photo de Kate Hutchinson
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