Ce que je sais de Vera Candida, Véronique Ovaldé (Rentrée littéraire 2009)
"[...] N'oublie jamais ta colère. Et si la colère s'effaçait en faveur d'un sentiment plus confus et plus paralysant comme la culpabilité alors il fallait la réactiver, et quel meilleur moyen que de se planter devant le miroir de la chambre, soulever son maillot et compter les traces laissées par le si grand amour mal exprimé de Violette Bustamente. Dans ces moments-là Vera Candida se collait au miroir pour sentir la fraîcheur d'hiver sur sa peau puis elle soufflait pour créer de la buée et dessiner sur la surface si lisse des formes rondes, des spirales et des volutes. Elle remontait ses cheveux et touchait la balafre blanche et soyeuse qu'elle avait sous l'oreille puis elle remettait sa chevelure en place.
Ces cicatrices là, mon sucre, sont des étendards, disait grand-mère Rose. Au fond c'est un avantage toutes ces coutures bien visibles. Quand le mal qui t'est fait est seulement à l'intérieur (mais sache, ma princesse, qu'il peut être aussi taraudant et violent que des coups de poing), alors ne pas perdre de vue ta colère et ta juste rage demande un bien plus gros effort."
Ce que je sais de Vera Candida est l'histoire d'une lignée de femmes.
En tout premier, il y a Rose, la grand-mère, ancienne prostituée, devenue experte en poissons volants, puis maîtresse de Jéronimo (inquiétant personnage oscillant entre l'iguane, le jetsetteur et le caïd) . Ensuite, il y a Violette, la fille de Rose, un peu spéciale, pas finie et bonne à rien, juste à courir les garçons et à donner naissance à une enfant, la troisième femme de ce roman, la seule à espérer enfin briser le destin qui semble planer sur leurs destinées à toutes, elle se nomme Vera Candida. En effet, cette dernière a l'impulsion juste de fuir l'île de Vatapuna, à quatorze ans, enceinte, lourde d'un secret inavouable. Elle atteint Lahomeria, livrée à elle-même puis recueillie dans un foyer alors qu'elle accouche de la quatrième fille du récit, Monica.
L'amour, comme bien souvent, sonnera le carillon de l'espoir, en la personne d'un journaliste obstiné et combattif, doux, Itxaga, amoureux fou de Vera Candida...
Encore une fois (ayant j'ai déjà lu Et mon coeur transparent et Toutes choses scintillant), me voici sous le charme de la manière bien personnelle de Véronique Ovaldé de mener un récit ! Nous sommes ici dans une amérique du sud imaginaire où le réalisme frôle sans cesse le légendaire et le féérique, et tout cela est terriblement bien fait, et maîtrisé, et passionnant.
Difficile pour moi de ne pas aimer non plus la délicatesse avec laquelle elle parle des femmes, de leurs corps, de leurs impulsions, de leurs doutes et de leurs choix, parfois maladroits, souvent tragiques. Ces personnages là me semblent toujours si familiers. Ils me donnent des envies de protection et de justice, d'abandon aux sentiments vrais.
J'ai donc aimé cette lecture, vraiment. Et pourtant, je n'arrive pas à comprendre pourquoi il m'est impossible cette troisième fois encore, d'assigner un "petit coeur" à mon billet.
Il s'agit là simplement, sans doute, d'écriture et de distance, de ce fossé qui se creuse entre nous, étrangement, au fil des pages. Rien de grave, juste un sentiment d'éloignement qui me laisse moi, admirative, mais un peu sur le côté, tenue à l'écart, distanciée.
Voilà un effet bien mystérieux... ;o)
ISBN 978 2 87929 679 1 - 19€ - AOUT2009
Elles l'ont lu aussi : Amanda - Cuné - Jules - Albertine ...qui d'autre ?
Ce roman est en lice pour le 22ème Prix Goncourt des Lycéens parmi 14 titres.
Défi 1% littéraire 2009 : 6/7