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"Elle est de nouveau dans un bus, le livre entre les mains. Elle respire doucement, comme à la minute qui précède l'endormissement, béate. Elle relit ces phrases sur un homme de fiction mais qui semble si vivant, même après sa mort de papier, survivant dans un amour de papier, mais si vaste, si absolu, qu'elle ressent elle aussi un mélange d'amour profond et de deuil. (Mais pour qui ? Quel visage voit-elle lorsqu'elle lit le nom de Malik ? Le reflet flou de traits anguleux ? Le souvenir du visage de Gabriel ? Un autre visage, où les deux se fondraient ? Et pourquoi pas celui d'Elias ? Pourquoi certainement pas celui d'Elias ?)
Elle relit ces mots qui lui offrent une autre vie, plus libre, reliée au vaste monde, à ses palpitations, aux seules vraies raisons de vivre, l'amour et l'art. Une vie qui tient ses promesses de richesse et d'intensité. Elle voudrait arriver au bout du livre, et dans le même temps elle voudrait qu'il ne s'achève jamais, qu'il reste une histoire dans laquelle elle a pris place et qui lui donne depuis hier le sentiment qu'un sang nouveau coule dans ses veines, le sang de Lila Kovner qui n'a pas eu une vie heureuse mais qui l'a vécue si intensément, qui a su ce qu'était l'amour, ce qu'était la guerre."
Extrait de Les âmes soeurs de Valérie Zenatti