il ne fait jamais noir en ville, Marie-Sabine Roger
"- Alors ça y est, Liliane ? Vous... vous nous quittez vraiment ?
Elle s'est engouffrée à moitié à l'arrière de la voiture, a plaqué Liliane contre ses seins énormes. Elle lui a tapoté nerveusement le dos, lui a malaxé le bras comme une pâte à pain, en répétant :
- Ca va aller, ça va aller ! Vous verrez, vous y serez bien...
Tout son corps criait le contraire.
Liliane n'a rien dit.
Lucette et Paule, côte à côte, immobiles, se rassuraient de l'épaule, chacune se calant sur l'autre, un peu de biais. Elles se frottaient les mains, les croisaient dans leur dos, le cachaient dans leurs poches. Elles piétinaient sur place. Deux vieilles éléphantes foulant leur chagrin en silence, sous leurs larges plantes de pied."
Qu'elles partent vivre en ville auprès de leur fils, qu'elles rêvent de rencontrer le Père-Noël ou qu'elles prennent un chaton sous leurs ailes, les femmes des nouvelles de Marie-Sabine Roger sont toutes toujours exactement là où on ne les attend pas. Souvent d'âge mur, pas toujours belles, elles rêvent du meilleur, et tant pis si ce n'est ni poli, ni convenable, ni le moment, c'est aujourd'hui que cela arrive. Les hommes aussi ont leur rôle, mais ils sont un peu las, parfois de guingois, ils font souvent tapisserie osons le dire. Tout ce petit monde là se côtoie, s'évite ou s'aide et ma foi, cela crée bien des petites histoires...
Il est évident que Marie-Sabine Roger connaît la formule, ses nouvelles chutent toutes bien droit sur leurs deux pieds. J'avais préféré, il me semble, ma lecture de ses Encombrants mais il faut avouer que le petit sourire en coin qui nous colle au visage à la lecture de cette prose sarcastique est plutôt agréable. Et l'auteure a le talent de parler si bien des "gens de peu".
En somme, une lecture en forme de parenthèse ironique, qui étourdie un peu et trouble malgré soi.
Note de lecture : 3.5/5 - Editions Thierry Magnier - 16€ - Mai 2010
La lecture de Cathulu, mitigée (merci !!) qui souligne justement que ces textes sonnent parfois faux à trop vouloir chuter juste - Pour Clarabel, c'est un livre arc-en-ciel, il possède le charme des sensations changeantes.
Quant à moi, je suis encore une fois séduite par la grâce des couvertures de Thierry Magnier...