Les reliques, Jeanne Benameur
"Soulever le couvercle de bois.
Retrouver.
En mémoire le corps.
Dans le souffle toujours vivant de leurs trois poitrines.
Qu'importe les lambeaux, rien ne ternit sous la terre. Qu'importe le lieu où les os de Mira oublient ce que fut le poids de cette femme sur la terre. Ils ont leur trésor. Non, elle ne repose pas là-bas, au milieu des autres de la terre, sagement alignés dans les allées bordées de graviers. Non. Elle est avec eux. Entière. Vive. Dans l'éclat des paillettes dérobées au cirque.
Le temps n'existe pas.
Le mémoire est comme la souffrance. Intacte."
Que reste-t-il donc d'une femme que l'on a aimée ? Presque rien, sauf le souvenir.
Ils sont trois, ils sont issus du cirque, Hésior le magicien, Zeppo le clown, Nalbatar le soigneur de fauves, ils sont vieux et ils ont aimé Mira, tous les trois. Maintenant qu'elle n'est plus là, l'amante, la trapéziste, ils fabriquent de fausses reliques qu'ils enterrent dans la terre, pour perpétrer ce qu'elle a été, pour l'avenir...
J'ai rencontrée Jeanne Benameur, dernièrement lors d'un apéro littéraire... Je n'ai pas parlé de cette rencontre ici car je n'ai pas pris vraiment de notes sur l'instant, et que les phrases que j'ai retenu de ce moment je les ai logées dans un petit coin de ma tête pour ne pas les oublier mais qu'elles en disent peut-être finalement un peu trop sur moi... Jeanne Bennameur est une personne très intéressante à écouter, concernée, une personne d'opinion qui aime les gens, lance - comme ça en l'air - des phrases pansements inattendues sur les liens humains, sur la vie... J'ai adoré l'écouter. Interviewée par Eric Pessan, le temps est passé très vite.
Il a beaucoup été question, bien entendu, de son dernier roman Les insurrections singulières (2011) mais c'est vers celui-ci, Les reliques, tout juste sorti en poche mais publié chez Denoël en 2005 que s'est porté mon choix.
Comme ce que j'ai déjà lu d'elle, ce texte fait la part belle à l'écriture poétique, à la sensualité brute, au lyrisme contenu. La ponctuation arrête souvent les phrases au bord du trop, juste avant. Il ne faut pas y chercher un sens réaliste, vous y perdrez la raison, mais se laisser porter par la musique des mots, à la limite lire tout haut, et oublier l'ordre du temps.
Jeanne Benameur nous a rappelé avoir commencé sa vie éditoriale par un recueil de poèmes, Naissance de l'oubli (1989) et nous a promis quelque chose dans ce sens pour la rentrée, comme un retour aux sources... A suivre, donc !
Et une illustration trouvée chez Ptitlapin aujourd'hui - Signée Walter Ottokar - complètement dans l'esprit du texte !