Le russe aime les bouleaux, Olga Grjasnowa
"J'imaginais qu'Elischa était allongé à côté de moi. Je tendrais la main vers lui et il serait là, de son côté du lit, les genoux repliés et les cheveux ébouriffés. Je me pencherais au-dessus de lui et lui dirais bonjour. Sa barbe gratterait. Je le toucherais. Son corps serait chaud. Je le serrerais contre moi et ne le lâcherais plus. Puis il me repousserait, se lèverait, irait à la salle de bains, se recoucherait peut-être encore un petit peu avec moi. Il porterait des vêtements qui n'iraient pas ensemble et je le taquinerais. Les draps avaient encore un peu son odeur, je portais ses affaires pour dormir. Ce n'était qu'au matin que je commençais à le chercher dans le lit et que je me souvenais."
Mascha est le fruit d'une génération cosmopolite, une jeune fille juive qui vit en allemagne, et parle mieux l'arabe littéraire que l'hébreu. Sa famille a autrefois fuit l'Azerbaïdjan et les massacres. Elle conserve au creux de sa mémoire des images fortes de cette époque, qui parfois la hantent dans ses cauchemars. Pour autant, son quotidien se limite à Elias, son petit ami, et les murs de leur appartement. Alors, lorsqu'Elias meurt subitement, des suites néfastes d'une blessure mal guérie, Mascha vit de nouveau au milieu des fantômes. Elle décide de partir en Israël, en quête d'un "chez soi", d'une petite place au soleil...
Ce titre est pour moi un presque coup de coeur de lecture. J'ai aimé lire ce roman tout en délicatesse... Je me rends compte qu'une certaine sensibilité d'écriture allemande me touche beaucoup. A l'instar de ce que peut faire par exemple Katharina Hagena [clic]. Les personnages de cette histoire passent beaucoup de temps au lit, laissent traîner partout des miettes de leur petit-déjeuner, accordent une place privilégiée à la camaraderie, à l'amour, n'hésitent pas à voyager, à se donner des rendez-vous improbables, à faire confiance, à aller au bout du bout de leurs douleurs... Et puis, entre les pages de ce roman, se glisse aussi l'incompréhensible Israël. Et tant de silences, de manque et d'absences.
Editions Les escales - 20.90€ - 9 janvier 2014