Petits arrangements avec nos coeurs, Camille de Peretti
"Ce fut le début de l'ennui. Tout était parfait. Il se levait tôt et m'apportait ma tasse de thé au lit. Dans la pénombre de la chambre, je le regardais s'habiller. Rituel du matin, bruit de l'eau de sa douche, du frictionnage intensif de son épaisse chevelure, parfums du savon Dove et du shampoing Head & Shoulders. Il fallait acheter les bouteilles par lot de quatre, pour en avoir toujours d'avance, Stanislas avait horreur de manquer. Rasage de près, T-Shirt blanc."
Lorsque Camille avait seize ans, il était facile pour elle d'être cruelle avec Stanislas. Elle savourait alors ce pouvoir immense d'être aimée et de choisir le moment exact où elle allait le quitter, juste avant l'insatisfaction. Plus tard, il serait le sujet de son deuxième livre, un personnage secondaire, victime innocente du couple qu'elle avait décidé de former alors avec son ami Julien, en imagination, des répliques étudiantes du vicomte de Valmont et de la marquise de Merteuil. Mais Camille vit aujourd'hui avec César et pense à Stanislas, cherche à le retrouver, lui envoie de nombreux mails, enveloppe sa méfiance. Ils tomberont de nouveau dans les bras l'un de l'autre, s'installeront ensemble à Londres, au coeur de la City, pour le meilleur et peut-être aussi pour l'ennui... Alors, il faudra imaginer un autre sursaut, un voyage, pour tenter d'endiguer une fin inexorable.
J'avais adoré ma lecture de Nous sommes cruels, acheté et dédicacé sur Bordeaux en 2008. [Ma lecture ici] Il faut dire que j'ai un amour (un peu pervers ?) pour Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos et que j'en avais apprécié réellement la parodie dans son roman épistolaire d'alors. On retrouve dans Petits arrangements avec nos coeurs Camille, et sa manière bien particulière de briser les coeurs, de s'ennuyer ferme rapidement et d'être pour autant affectée par le désordre qu'elle provoque. Ce roman-ci m'a sans doute laissée un peu plus indifférente dans les premières pages, entraînée vers le détachement, mais m'a cueillie littéralement dans sa troisième partie, alors que Camille se laisse prendre à son propre piège. J'ai eu le sentiment d'entendre là la véritable voix de l'auteure et que tout ce qui avait précédé, semblé un peu froid, n'était en fait que l'expression d'une grande pudeur. Et puis, ce qu'elle est agréable cette imperfection manifeste et vivante des personnages croqués par l'auteure ! On aime finalement détester Camille, la trouver frivole, peste et dangereuse, insupportable.
Editions Stock - 18.50€ - 30 avril 2014