Sur le quai (atelier d'écriture)
Attendre. T'attendre. C'est certainement ce que je fais de mieux. Le vendredi, parfois le dimanche, j'attends ton train. Celui qui débouche de la province qu'autrefois nous partagions. Tu montes sur Paris. Tu m'auras prévenu, comme d'habitude, avec un petit texto. Fabien. A 15h sur le quai. Dimanche. Je viens. ;) La brièveté du message souligne la familiarité de nos rapports. Aucune explication à donner. Tu viens. Je suis celui qui t'attend sur le quai, toujours. Tu apparaîtras derrière la vitre sombre. Je reconnaîtrai en une seconde la blancheur de ton sourire, celle de ton écharpe, accordée au casque sur tes oreilles. Blanc, ta toute nouvelle couleur fétiche. Il y a deux ans c'était le rose, puis il y a eu le rouge, le vert, etc... Tu es un peu folle, mono maniaque, mais j'aime ça. Hier, j'ai acheté des draps blancs, plus faciles à trouver que les verts, je gagne au change. Il faudra que je traîne ta valise. Des deux, je suis le garçon. Pour ma peine, tu m'auras sauté au cou, entouré de tes deux bras, planté un bisou sur la joue. Que c'est bon de te voir ! Pour toi, je ne suis qu'une sorte de petit frère, ami, vieille connaissance, mouchoir. Ce sont sans doute nos deux années d'écart qui expliquent ta méprise, le fait que j'étais autrefois invité chez toi comme si c'était chez moi, le voisin, plus jeune. Pour moi, tu es autre chose, une princesse, mais pas celle des contes de fées, non. Parce que de toi, je connais tout, déjà. Je sais ta mine brouillée du matin, tes céréales préférées, la marque de ton dentifrice, celui que tu poses toujours près du mien, tout entortillé. Je sais que tu ronfles la nuit. Et puis, je sais aussi que tu ne m'aimes pas, enfin pas comme je le voudrais. En arrivant dans mon appartement, tu retrouveras tes marques sur le canapé, rira certainement des nouveaux draps blancs, demandera des nouvelles de cette fille dont j'ai inventé pour toi l'existence passionnée. Et jusque tard dans la nuit, tu me parleras de lui.
Une photo (de Julien Ribot), une inspiration, et au final un texte ... tout ça pour l'atelier d'écriture de Leiloona [clic ici].
Pas très inspirée cette fois-ci, non par la photo, mais par l'envie d'écrire. Alors, je me suis mise dans la peau d'un homme, pour voir. ;)