Hester Lilly, Elizabeth Taylor
"La première chose que Muriel ressentit fut un soulagement railleur. Le nom - Hester Lilly - lui avait évoqué une fragilité souffreteuse, préraphaélite. [...] Dès qu'elle la vit, une confiance malavisée apaisa ses doutes. Les lettres que son mari échangeait avec cette jeune cousine ne paraissaient plus si coupables et torturantes ; cette correspondance filiale cessait d'être une menace."
Hester Lilly, devenue orpheline, est recueillie par son cousin, directeur d'école, Robert, et sa femme Muriel. Pour cette dernière, il est évident que la jeune-fille nourrit des sentiments à l'égard de son mari. Alors Muriel s'inquiète et fait régner dans la maison une ambiance lourde et méfiante. Hester Lilly, elle, provoque maladresses sur maladresses... Qui aura donc le dernier mot ?
Dans ce court roman, qui a bien plus le format d'une grosse nouvelle que d'un roman d'ailleurs, les personnages sont en déséquilibre émotionnel constant, et leur apparence est en contraste permanent avec leurs émotions intérieures. Voilà qui est propice au plaisir de lecture.
L'intrigue en est relativement classique - le summum étant la chute d'un petit objet de porcelaine fragile cristallisant les frustations de tous - mais l'écriture assez subtile pour retenir l'attention. Un délicat moment, des pages tournées plutôt vites, mais une couverture absolument pas adaptée au contenu (et utilisée pour Cette main qui a pris la mienne plus tard, et à l'envers, ce qui m'exaspère toujours un peu, je veux dire la réutilisation d'images semblables pour des romans différents, bon bref...).
Editions Rivages - 6€ - Mars 2009
Mango est restée dans une adhésion partielle mêlée d'admiration - Un régal pour Clarabel !
(Sinon, Clara met un clap de fin à son blog... A très très bientôt Clara !!)
Attention... sélection !!
Si vous ne savez que faire de vos chèques cadeaux ou billets reçus ce matin sous le sapin, moi j'ai des idées !!
Voici ce que j'ai retenu de 2011, côté lectures. Comme d'habitude quelques coups de coeur n'ont pas eu d'effets à long terme et d'autres livres sont restés gravés irrémédiablement dans mon esprit. Petit flash-back sur une année mouvementée et brillante...;)
A vos crayons !
Rayon BD, j'ai choisi...
En littérature, j'ai vibré avec...
Par ailleurs, les enfants - et toute la famille soyons honnêtes - ont craqué pour Non-non et Pomelo, sans conteste nos héros de l'année !
J'en profite pour remercier ceux et celles qui m'ont permis ces découvertes, bibliothécaires, éditeurs, blogueuses et amies.
Et puis, j'ai envie de remercier aussi les bonnes étoiles qui amènent régulièrement vers chez moi, dans ma petite ville perdue, des auteures que j'apprécie. En 2011, j'ai vu et entendu de belles personnes, sensibles et intelligentes, telles que Brigitte Giraud, Jeanne Bennameur et dernièrement Camille Laurens. Je savoure ma chance, et en redemande !
Sinon, je viens de passer une partie de ma journée à faire ça (voir le clip ci-dessous), comme quoi tout est possible !! ;) Ouille, mon corps ne s'en remettra pas je crois.
Léger, humain, pardonnable de Martin Provost
"Est-ce que c'est obligé d'aimer son père est-ce que c'est à moi de l'aimer en premier est-ce que c'est possible de ne pas aimer son père de ne pas tout aimer de chercher son père dans tous les hommes tous les hommes alors qu'il y en a un à la maison qui n'est pas pire que les autres après tout il suffit de le regarder sous un autre angle un autre angle c'est cela mais lequel j'en reviens toujours au manque"
Bruno a un frère et une soeur, une mère qu'il aime par dessus tout, et puis aussi un père (parti à la guerre alors qu'il avait trois semaines puis revenu plus tard comme un étranger). Bruno revient sur son enfance via les évènements qui ont marqué sa vie, la découverte de son homosexualité, le décès de son frère aîné, l'avortement de sa soeur.
En fait, c'est le portrait d'une famille à l'aube des années 70 qui nous est dressé dont quelques traits nous rappellent quelquefois un peu aussi la nôtre, avec ses chaos, ses moments de bonheur et ses drames...
Ce livre ressemble au regard qu'un adulte poserait sur ceux qui lui sont chers, alors que la famille est réunie, à l'occasion d'un incident ou (comme dans quelques jours pour nous) pour les fêtes. Et tout ce qui oppose et rapproche peut très bien s'avérer finalement léger, humain ou pardonnable... Il y a Brest, déjà des désirs de cinéma pour Bruno, de l'émancipation et de l'enfermement, de la joie et de la tristesse, des sentiments. Rien n'est figé à jamais, et la vie est à sans cesse aimer et reconstruire.
J'ai aimé ce texte dans lequel se produit constamment un va et vient entre aujourd'hui et hier, l'écriture en est agréable et simple, le propos sincère, mais ma lecture a été parfois laborieuse et hachée, et j'ai perdu de temps en temps de l'intérêt pour les personnages du récit, sans doute influencée par mon quotidien fatigant des jours derniers...
Une impression en demi-teinte, donc.
Editions Points - 6.50€ - Mai 2011
Pour Clara c'est un coup de coeur !
Jour J-1 avant Noël !!
Joyeuses fêtes à ceux qui passeront par ici d'ici demain ! J'espère avoir enfin le temps de bloguer un peu...
Des corps en silence, Valentine Goby
"Les rideaux assortis aux coussins. Elle aurait dit ça en premier, avec une tendresse atroce, si on lui avait demandé ce qui n'allait pas entre elle et Alex : les rideaux assortis aux coussins."
Deux femmes, à un siècle de distance, assistent au terme de l'amour. L'une cherche encore à séduire celui qui part, qui était pour elle l'amant absolu, sans lui son corps n'est plus rien, sans son regard elle n'existe plus. La seconde a décidé la rupture, armée de sa fille de cinq ans elle erre sur la parvis de La Défense, comment aimer encore Alex alors qu'il est devenu pour elle un petit garçon et un étranger ?
Dans Des corps en silence l'écriture de Valentine Goby reste sensuelle et forte, telle que j'en conservais le souvenir depuis mes lectures de L'Echappée ou de Qui touche à mon corps je le tue. Cependant, l'attrait en est resté là pour cette fois. Les histoires racontées ne m'ont pas séduites et le parallèle recherché entre deux femmes que tout semble opposer ne m'a pas convaincue, trop artificiel sans doute... Petite déception, donc, mais ce n'est que partie remise.
Editions Folio - 4.60€ - Septembre 2011
Clarabel est du même avis - L'avis d'Anne (des mots et des notes) dont c'était le première découverte de l'auteure
Tout passe, Bernard Comment
"Que reste-t-il d'une vie ? Qu'est-ce qui, une fois éliminés les parce que quoique donc en effet néanmoins, reste d'une vie ? De la subtile tessiture d'une vie ? Très peu de choses. Quelques moments forts, trois, quatre, cinq. Vingt peut-être, dans les existences trépidantes. On vit, au jour le jour, dans l'exagération des petits évènements, j'ai fait ceci, pas fait cela, et telle démarche à entreprendre, et du retard à rattraper, des urgences à résoudre, des engagements à honorer, mais au décompte final, rien ou si peu de toutes ces années, et même décennies, qui restera."
Dans les nouvelles de Tout passe, le temps s'est arrêté, et le passé n'est plus qu'un agrégat d'évènements parfois indécents souvent révolus qui n'ont pas prise sur un présent aujourd'hui vide de sens. Les personnages de Bernard Comment sont plus ou moins âgés, ont eu des enfants, des amours, la passion du livre, ou connu le succès, mais peu importe... à l'heure où l'auteur écrit ces lignes qui cloueront pour toujours leur destin plus rien ne compte que l'état de flottement dans lequel ils se retrouvent.
Voici un livre dont j'attendais beaucoup, j'aime les nouvelles, et puis il a eu un prix ayant déjà récompensé des auteurs aimés. Pourtant, malgré ses qualités littéraires évidentes, je dois avouer qu'il m'a au final un peu déçue. J'en ai apprécié l'écriture, très fine, mais moins cette ambiance déprimante, sombre et fataliste, qui parcourt les divers petits récits. De plus, et même si il est agréable que pour une fois une nouvelle ne présente pas sa chute en dernière phrase de façon systématique, quelques indices supplémentaires à l'intrigue m'auraient parfois permis de simplement comprendre... loin du dénouement obscur et esquivé qui nous est souvent présenté. Zut et flûte. Vous y trouverez cependant, pour les adeptes, de bien jolies ambiances glauques et solitaires, et des rideaux démodés tirés sur des meurtres silencieux.
Christian Bourgeois éditeur - 13€ - Avril 2011 - Merci ma bibli !!
(Prix Goncourt de la nouvelle 2011)
La Noce d'Anna, Natacha Appanah
"Aujourd'hui, 21 avril, je marie ma fille, je laisserai de côté mes pensées de vieille folle, je serai comme elle aime que je sois : digne, bien coiffée, bien maquillée, souriante, prête à des conversations que je suivrai avec un enthousiasme feint et qui ne me laisseront aucun souvenir, parée pour butiner d'invité en invitée, mère parfaite que je serai aujourd'hui."
C'est la journée d'Anna, elle se marie. Sonia a quarante deux ans et elle voit s'envoler ainsi sa fille, et les années passées auprès d'elle. Affluent un à un les souvenirs de sa naissance, de son enfance et de ce duo qu'elles ont formé tellement longtemps l'une près de l'autre, si différentes mais proches. En ce jour de noce, Mathew, l'homme que Sonia a tellement aimé, le père d'Anna, manque.
C'est la journée d'Anna mais Sonia retrouve aussi au fil de ses pensées la femme qu'elle a été et celle qu'elle souhaite continuer à être, écrivaine, solitaire, rêveuse et peut-être à nouveau amoureuse...
Voici un très beau petit roman, très émouvant et subtil, délicat, un presque coup de coeur pour moi ! J'ai vu aux travers des yeux de Sonia combien la vie ne peut attendre et combien il y avait d'émotion à marier ses enfants... Et puis, il y a ce chemin qui ne s'arrête pas auprès d'eux non plus, qui continue au-delà... et tout cela, cet ensemble, est rempli d'un vibrant espoir. Un bien agréable moment de lecture !
Editions Folio - 5.70€ - Mai 2009 - Merci ma bibli !!
Un coup de coeur pour Sylire - Clarabel a tout bonnement adoré - Une découverte magnifique pour Laure - Anne s'est retrouvée en osmose avec le personnage
Je ne suis pas celle que je suis, Chahdortt Djavann
"Ma première grande faiblesse fut de vouloir devenir une héroïne, épique et stoïque, ma deuxième faiblesse fut d'échouer, et la troisième de recommencer, sans cesse ; mon opiniâtreté refusait l'abandon d'un tel projet. C'est ainsi que je devins une insubmersible héroïne déchue."
Nous suivons, dans cet épais roman de plus de 500 pages, qui m'a tenu quelques temps, deux femmes, toutes deux d'origine iranienne, l'une vit à Paris, l'autre est étudiante en Iran.
La première décide de consulter un psychiatre suite à une tentative de suicide auquelle elle a réchappé, lourde d'une souffrance dont elle souhaite s'alléger, encombrée de multiples moi qui l'empêchent d'être véritablement elle-même. Pour payer cet homme qui ne répond que par borborygmes indifférents à ses propos, son psychiatre, elle enchaîne les petits jobs et les colères.
La deuxième jeune-femme est intelligente et sauvage, mais elle vit dans un pays où une femme n'est qu'un être empêché. Alors, elle cherche à s'échapper, à Londres pourquoi pas via un mariage arrangé, ou au sein de son pays en se travestissant en garçon...
Je suis très partagée sur ce roman. C'est une lecture que j'ai entamé un peu dubitative et continué aux trois quarts sur le même mode. La partie psychanalytique du récit m'a seulement à moitié convaincue, soyons honnête, elle m'a semblé bourrée de stéréotypes. Même si la question de l'efficacité d'une psychanalyse effectuée en dehors d'une langue maternelle reste un questionnement utile. Cependant, cependant, les aventures de cette jeune iranienne - le deuxième personnage - confrontée sans cesse aux interdictions et ambivalences du régime de son pays m'a beaucoup intéressée, elle. Je referme donc ce livre plutôt enthousiasmée, non par sa qualité littéraire, mais par l'intérêt de l'histoire qu'il raconte, au-delà de ses excès, et par ce qu'il m'a appris du quotidien vraiment contraint et opressé de la société iranienne, dont les femmes sont encore une fois les premières victimes.
Editions Flammarion - 21€ - Août 2011
Prenant et émouvant pour Kathel - Un coup de coeur pour Géraldine
Les enfants de la veuve, Paula Fox
"Laura lança un sourire radieux à sa fille, et elles étaient alors si près l'une de l'autre que, derrière les lèvres pleines de sa mère, Clara distingua non seulement ses grandes dents légèrement jaunes, mais la salive qui tremblotait sur sa langue. Cette vision intime du corps maternel la stupéfia à tel point qu'elle en oublia une seconde de qui Laura riait."
Laura et Desmond ont décidé de réunir leur proches avant leur départ pour l'Afrique. C'est une tradition, avant chaque départ, ils les réunissent. Il y a là le tendre frère de Laura et excentrique homosexuel Carlos, Peter l'ami éditeur et Clara, la fille de Laura. Le temps d'une soirée, chaque personnalité se jauge et évite de se dévoiler, parlant de tout et de rien, riant sans raison, cherchant le sujet de conversation qui vexera le moins Laura, comme toujours promue reine de la soirée. Desmond se saoule lentement, Laura pérore, Carlos a hâte de partir, Peter est amer et Clara est pleine de terreur... Plane sur l'assistance réunie l'ombre culpabilisante d'Alma, la mère et grand-mère, la veuve, logée dans une maison de retraite dans laquelle elle devient peu à peu un fantôme. Demain, c'est promis, ils lui rendront visite, demain.
J'ai beaucoup aimé ce roman qui exploite avec talent l'art de la confrontation familiale. En 24 heures et à peine trois lieux, on en apprend énormément sur ce qui lient ces gens réunis ici artificiellement. Rancoeurs et jalousies ont la part belle et c'est tant mieux, car on s'en amuse, on attend l'explosion, l'accident, le mot de trop, la faille qui déchirera tous les faux-semblants.
Une lecture qui a la dimension d'un classique et dont la qualité évidente m'a bluffée.
Parions que ce n'est pas ma dernière lecture de Paula Fox.
Editions Folio - 6.20€ - Avril 2011 - Merci ma bibli !!
Un lac immense et blanc, Michèle Lesbre
"Je ne suis pas sûre d'avoir envie de savoir pourquoi l'Italien n'était pas au train de 8h15, ce qui me plaisait c'était l'élan qui m'avait portée sur le quai pour l'attendre, la ville que je voulais partager avec lui, d'une autre façon, avec d'autres repères que ceux qui semblent le lier au serveur. C'était sans doute une idée stupide, le hasard m'a peut-être protégée d'un échec."
Je voulais depuis longtemps partir à la découverte de l'écriture de Michèle Lesbre. Rien de mieux que ce petit roman, pioché par hasard en bibliothèque, pour enfin sauter le pas.
Dans Un lac immense et blanc, une femme décide d'attendre un beau jour dans une gare cet homme qu'elle croise si souvent au Café Lunaire, un étranger. Elle l'entend à chaque fois parler de Ferrare au serveur, et voudrait aujourd'hui visiter cette ville en sa compagnie. Elle a pris sa journée, il neige, mais l'homme ne vient pas. C'est le souvenir d'Antoine qui fait son apparition, à sa place...
J'ai fait avec ce petit livre un joli voyage, nébuleux et poétique. Assez iréaliste cependant, il faut le reconnaître, mais peu importe... Dans le choix des mots, dans la limpidité des phrases, il y a une fluidité qui mène à l'envoûtement. C'est une première rencontre assez réussie avec une auteure dont il me tarde à présent de lire autre chose. Merci ma bibli !
Editions Sabine Wespieser - 13€ - Avril 2011
Bellesahi en avait parlé aussi... "J'aime son écriture intime. Et là c'est particulièrement et encore le cas. Pas d'émotion violente avec cette auteure et pourtant quelque chose d'intense. Peut-être parce que cela touche. Peut-être parce que les mots sont beaux. Peut-être parce que les sensations sont belles. Peut-être parce que cela fait écho en moi. Et sûrement pour tout cela et le reste."
Et ouf, voici le billet d'Anne, un billet qui se cachait bien...
Encore une belle journée, Annie Saumont
"Ca commence comme d'habitude. On croit que le soleil qui vient de se lever ne se couchera plus. Va monter va tourner, se fixer au sud et n'en plus bouger, énorme et féroce. On enfile les vêtements propres qu'on trouve par miracle posés sur la commode. A la cuisine on boit un verre de lait."
J'avais conservé un souvenir assez ébloui de Gammes, lu en 2009, voilà pourquoi le nom d'Annie Saumont m'a sauté aux yeux dernièrement alors que je furetais dans les nouveautés poches. (Les croissants du dimanche sont eux toujours notés sur ma liste de lecture d'ailleurs, longue comme dix bras...)
Cependant, Encore une belle journée, recueil de 14 nouvelles, n'a pas été la rencontre attendue. Annie Saumont maîtrise l'art de la nouvelle, c'est un fait, mais le mystère qui entoure chaque court récit (pour mieux en préserver la chute, sans doute) n'a souvent été pour moi qu'un long brouillard que la dernière phrase (la chute, donc) n'a pas véritablement à chaque fois éclairci. Quel dommage, car l'écriture d'Annie Saumont est très belle, intelligente, fine et perspicace, pleine de promesses...
J'ai pour autant beaucoup aimé quelques pépites comme Tais-toi ou Pourquoi t'es jamais venu ? qui ne relèvent malheureusement pas l'ensemble à elles seules.
Allez, malgré cette légère déception, je n'en resterai sans doute pas là avec cette auteure, j'ai repéré quelques autres titres en bibliothèque.
Editions Pocket - 5.10€ - Juillet 2011
J'ai trouvé un billet sur "Encres vagabondes" qui précise que la plupart des nouvelles présentes dans ce recueil sont des reprises provenant de recueils aujourd'hui introuvables. Il semble que j'ai curieusement préféré les inédites. [Le lien]