Hémicrânie
Je sors du garage avec une épouvantable migraine. Une migraine tenace.
J’ai pourtant pris deux cachets ce matin, juste avant d’avaler, bouche crispée, mon grand bol de café. Grave erreur sans doute, une tisane aurait mieux été acceptée par mon réseau veineux en ébullition !
Une migraine à se taper le crâne contre les murs, à se plonger la tête dans l’eau froide de l’étang qui jouxte la maison, à hurler dans l’air frais de cette nouvelle journée, une migraine forte à pleurer, une migraine à détester tout le monde, et moi la première, une migraine à tout envoyer promener une bonne fois pour toutes, comme je devrais le faire parfois, je crois.
Manque d’énergie, de volonté, de caractère.
Je ne suis bonne qu’à ronchonner, qu’à geindre.
Les enfants ont senti tout à l’heure, dans la voiture, sur le chemin de l’école, qu’il valait mieux ne pas piper mot aujourd’hui, juste se taire, contempler la vie par la vitre baissée, attraper son cartable, m’accorder un rapide baiser et s’envoler vers des camarades plus affables. On verra bien ce soir, si je suis d’humeur égale, alors il faudra encore une fois filer dans sa chambre, fermer sa porte, et attendre que l’orage passe.
La porte du garage grince en se rabattant, puis se referme en un claquement sec. Le son vrille mes tympans douloureux. Je contemple, immobile, ma fierté, ma belle maison aux volets verts, baignée de soleil, ses fleurs odorantes, ses massifs impeccables, son allée de cailloux, ma solitude, mon envie de disparaître, ce silence.
Je glisse mes doigts dans mes poches de manteau et en retire trois petites poupées fragiles, colorées, fabriquées de quelques bouts de ficelle et d’un peu d’espièglerie. J’ai posé l’une sur l’autre, hier au soir, les mains qui me les ont offertes.
Comment s’habituer à cet évanouissement des sourires ?
Je sais que cette épouvantable migraine me tiendra encore, un jour ou deux, puis qu’elle disparaîtra, progressivement, comme à chaque fois, avec l’écoulement des heures. Saleté de travail !
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Un texte émis suite à la consigne 70 du site Parole Plurielles. Il fallait s'inspirer de la photo ci-dessus et de l'incipit suivant : "Je sors du garage avec une épouvantable migraine..."
Elle fait les galettes c'est toute sa vie, Karine Fougeray
La mer, la bretagne, le vent, les enfants qui jouent dans le sable, les rêveries au bord de l'océan, la dureté des embruns, de la vie, des amours, la vieillesse, la jeunesse, la paresse, et le sable aussi, les galets, la plage, le passé, le présent, l'avenir...des nouvelles.
J'ai refermé ce recueil avec des sentiments mélangés... En effet, j'ai aimé son style très riche, excellent même, ses métaphores bien trouvées, ses images, l'ambiance générale de la plupart des textes brefs de Karine Fougeray, une ambiance rude, bretonne, très agréable, qui sent le goémon et la texture ferme et lisse des cirés jaunes.
Mais, il m'a semblé que ces nouvelles assemblées étaient d'inégales qualité, que l'ensemble constituait un tout peu homogène, et quelques chutes sont tombées un peu à plat dans l'eau de ma lecture - si je peux m'exprimer ainsi. C'est un peu dommage. Je pense qu'ils n'ont sans doute pas été écrits au tout départ pour se retrouver là, ensemble, dans ce livre, et cela se sent un peu, par moments...
J'ai eu malgré ce sentiment là véritablement du plaisir à lire ce livre, une petite préférence pour le récit qui donne son titre au recueil "elle fait les galettes, c'est toute sa vie" et pour cette histoire, intitulée "à la vase de chocolat" qui m'a forcément retourné les sangs (une femme perd de vue ses deux filles sur une plage et s'imagine le pire !).
Alors voici malgré tout une lecture bien intéressante, qui présage le meilleur pour le dernier titre de l'auteure, Ker Violette, paru aux éditions Delphine Montalant ! A suivre donc, en ce qui me concerne...
Un extrait (de à la vase de chocolat, justement)...
"Je les ai aperçues au loin, accroupies derrière un rocher doré et suçant leur pouce toutes les deux, leurs petites fesses rondes moulées dans les bikinis à pois. Cette gémellité de tendresse m'a atteinte en plein coeur, le ciel a rejoint la terre comme si les cordes qui le tenaient en l'air avaient lâché brusquement et il m'a aplati brutalement comme une crêpe entre les deux.
En basculant mes genoux se sont éraflés et, avant que je ne perde complètement connaissance, j'ai vu naître des rayures carmin sur mes rotules.
Violente, hagarde, transpirante, je me suis relevée d'un bond et j'ai couru vers elle comme une cinglée, en hurlant, en pleurant. Tout à coup mes seins mal soutenus par le triangle du maillot tressautaient douloureusement mais je dévalais la plage à toute allure.
Je n'ai pas prêté attention aux vacanciers qui m'observaient, goguenards, moi, cette furie émergeant d'une sieste sur la plage et se précipitant vers ses gosses comme si on avait voulu les lui enlever, là, sous ses yeux."
La lecture de Laure, de Lily, de Clarabel, de Katell, de Gawou, de Sylire, de Bellesahi...et j'en oublie, très certainement.
Christian Bobin
"Un poète, c'est joli quand un siècle a passé, que c'est mort dans la terre et vivant dans les textes. Mais quand c'est chez vous, un enfant épris d'absolu, bouclé dans sa chambre avec ses livres, comme un jeune fauve dans sa tanière enfumée par Dieu, comment l'élever ? Les enfants savent tout du ciel jusqu'au jour où ils commencent à apprendre des choses. Les poètes sont des enfants ininterrompus, des regardeurs de ciel, impossibles à élever."
Extrait de La Dame blanche
Masse critique revient...
FloWeR pOwEr
Allez...ne me dites pas que vous n'avez jamais eu envie de faire la même chose !!
La Dame blanche, Christian Bobin
Christian Bobin nous conte ici l'histoire d'Emily Dickinson, célèbre poétesse américaine.
Née en 1830 dans une petite bourgade nommée Amherst, au nord-est des Etats-Unis, et recluse dans la "maison de son père", cette jeune fille sensible trouve refuge dans l'écriture. Ses poèmes n'auront quasiment pour seul public que l'auteure elle-même. La poétesse n'a, en effet, rencontré le succès qu'après sa mort. Ne quittant jamais sa demeure, elle y écrit en permanence. Ses relations amoureuses sont épistolaires. Durant toute sa vie, cette femme, habillée toujours de blanc, noircit des pages, obsédée par la peur du vide. Très tourmentée intérieurement, Emily Dickinson doit également supporter les nombreux décès consécutifs qui se produisent dans sa famille. Elle décède elle-même en 1886.
Il fallait bien s'en douter- puisqu'il s'agit de Christian Bobin - que cette histoire ne nous serait pas racontée chronologiquement, froidement, comme une biographie ordinaire. D'ailleurs, l'éditeur de la collection "L'un et l'autre" dans lequel ce titre s'inscrit nous prévient : "Des vies, mais telles que la mémoire les invente, que notre imagination les recrée, qu'une passion les anime. Des récits subjectifs, à mille lieues de la biographie traditionnelle."
Par petites touches infimes,gracieuses et colorées, le "conteur" d'Emily Dickinson nous parle au coeur et à l'âme, directement, mélangeant les époques et les points de vue.
J'ai aimé cette rencontre avec une poétesse dont je ne connaissais rien... Ce n'est sans doute pas l'écrit de Christian Bobin dont je conserverai le meilleur souvenir mais le plaisir de lire son écriture est là, intact, et cela fait du bien. A découvrir !
Un extrait (tous les chapitres contiennent des phrases à citer ! Difficile de choisir...) :
"Le monde est plein et froid comme un galet. Un éclair fracasse le galet et en délivre l'âme : Emily voit une chaise vide au milieu des flammes de l'enfer. Elle écrit au ras de ce qu'elle voit.
Elle peut griffonner un poème sur l'enveloppe du chocolat dont elle se sert pour faire un gâteau, comme elle peut écrire dans la remise fraîche et calme où elle écrème le lait. Elle s'y prend à plusieurs fois, multiplie les brouillons, ne ménage pas sa peine. Il faut que tout soit sur la page comme le contraire d'un orphelinat : que plus personne ne soit abandonné."
Lire aussi l'excellent billet de Katell
Je veux une maman robot
AnnaLaura Cantonne & Davide Cali
Un petit garçon rêve de se fabriquer une "maman sur mesure"...
"Ma maman n'est jamais là. Elle va au bureau tous les jours, même le samedi. Quand je rentre de l'école, je trouve le dîner prêt avec un message, toujours le même : "N'oublie pas de te brosser les dents, de faire tes devoirs et de ranger ta chambre. Bisous. Maman."
La "maman-robot", construite par les soins du petit génie électronique en herbe, est parfaite, et voulue comme telle, puisqu'elle accède à tous les désirs de son concepteur.
Elle est toujours présente, ne gronde jamais, fait les devoirs. Oui mais (parce que, quand même, il y a un mais) "elle a juste un défaut : elle est toute froide" - et oui "elle n'a pas la bonne odeur" d'une vraie maman...
Voici un album qui répond avec beaucoup d'à propos aux désirs enfantins de "maman idéale" de nos bambins. Ma grande fille (bientôt 7 ans) a compris le message 5/5, petit dernier (très bientôt 3 ans) n'a vu lui que les dessins de robots !!
Des petites phrases percutantes et des illustrations magnifiques, j'adore !!
Pascale Roze
« Depuis mes débuts, je n’écris que des livres brefs, c’est ma respiration d’écriture. Je suis à la recherche du détail qui m’évitera les longs développements. Pour moi, le blanc est aussi important que ce qui est dit. »
Extrait d'une interview accordée à ELLE (12/05/08) suite à la sortie de son nouveau titre Itsik.