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Les lectures d'Antigone ...

Ardoise magique

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Ben oui, à mon tour, j'ai craqué !

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15 mars 2008

Ruptures, Gisèle Fournier

rupturesL'installation de Jean-Marie dans une maison abandonnée d'un hameau perdu intrigue les habitants du village : pour venir vivre là en ermite, il a forcément quelque chose à se reprocher... Faisant fi des menaces et des intimidations, Jean-Marie mettra toute son énergie au service de ce projet de rénovation. Plus qu'une maison, c'est bien sa propre vie, hantée par de lourds secrets, qu'il tente de reconstruire...(extrait de la quatrième de couverture).

heart Ce roman commence étrangement, par trois points de suspension...et je n'étais pas certaine au tout départ de tenir le fil de cette écriture, rapide et dense, remplie d'adjectifs, un peu déconcertante. Et bien si, j'ai tenu, et je me suis régalée... Je ne sais pas vous mais j'adore quand les personnages construisent leurs petits abris, à la manière d'un robinson, et il est plaisant de suivre Jean-Marie dans son installation, aux côté de son chat adoptif, Chalilas. Et puis, il y a ces passages, extrêmements forts, ceux qui expliquent l'exil : la femme qu'il a quitté, sa vie terne et surtout son ancien métier qui menait des centaines de personne à une mort certaine. Gisèle Fournier met ainsi le doigt sur un des grands danger de notre société, ce mal qui nous ronge, la modernité, le profit au détriment de la santé de milliers de personnes, et elle le fait très bien. Il y a encore d'autres mystères qui parsèment ce récit, dont je vais garder le secret ici. Alors, effectivement, les allers et retours entre présent et passé, les changements de focalisation inattendus (Jean-Marie puis Adrien le cafetier puis à nouveau Jean-Marie) peuvent dérouter le lecteur de ce roman, mais le voyage est bien intéressant !!

Le début du roman : "...sa main ne tremble pas lorsqu'il pousse la porte entrebâillée, une de ces vieilles portes faites de planches noueuses, par endroits fissurées, reliées par des traverses déjointées qui, dira-t-il plus tard, laissent voir le jour et même deviner le mouvement oscillant des branches du figuier lors des matins venteux et, plus tard encore, celui des roses trémières qu'il plantera le long du mur de pierres sèches séparant le jardin de la route, une main ferme malgré les gonds qui gémissent, le heurtoir qui claque et d'où s'échappent des particules brunes, de la rouille peut-être qui se fond dans la poussière grisâtre recouvrant le sol. Dedans, une odeur de vieux."

Et cette citation, judicieuse, en incipit...à méditer
"Ce qu'il y a de bien quand on quitte un endroit pour un autre, c'est qu'on pense que le nouveau sera mieux. Mais il n'y a pas de solution, et on le sait, on sait que ce sera la même chose. Pourtant, on a beau le savoir, savoir que tout sera fichu à peine aura-t-on mis pied à terre, on s'imagine que ce qui est nouveau sera différent. Le résultat, c'est que ce n'est ni nouveau ni différent. C'est exactement la même chose, un nouvel acte de la même pièce sur une autre scène." CARLOS LISCANO

bouton3 Note de lecture : 5/5 (parce qu'il le vaut bien !)

Les lectures de Clarabel et de Lily

Caroline qui m'a transmis ce livrevoyageur avec une carte-tapis qui fait le bonheur de ma fille !

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15 mars 2008

Pause lecture...

...pour quelques jours,

Pensee_poetique_Affiches

histoire de respecter quelques délais,
de savourer ces romans voyageurs qui arrivent de partout
et de prendre du temps, tout simplement !

Non je ne vais pas au Salon...
...je reste dans mon salon,
mais il y a plein de livres aussi.

A très bientôt !!

(Je ne suis pas loin... Je reste disponible sur ma messagerie pour la gestion des livres voyageurs et autres petites conversations privées...)

15 mars 2008

Ruptures, Gisèle Fournier

rupturesL'installation de Jean-Marie dans une maison abandonnée d'un hameau perdu intrigue les habitants du village : pour venir vivre là en ermite, il a forcément quelque chose à se reprocher... Faisant fi des menaces et des intimidations, Jean-Marie mettra toute son énergie au service de ce projet de rénovation. Plus qu'une maison, c'est bien sa propre vie, hantée par de lourds secrets, qu'il tente de reconstruire...(extrait de la quatrième de couverture).

heart Ce roman commence étrangement, par trois points de suspension...et je n'étais pas certaine au tout départ de tenir le fil de cette écriture, rapide et dense, remplie d'adjectifs, un peu déconcertante. Et bien si, j'ai tenu, et je me suis régalée... Je ne sais pas vous mais j'adore quand les personnages construisent leurs petits abris, à la manière d'un robinson, et il est plaisant de suivre Jean-Marie dans son installation, aux côté de son chat adoptif, Chalilas. Et puis, il y a ces passages, extrêmements forts, ceux qui expliquent l'exil : la femme qu'il a quitté, sa vie terne et surtout son ancien métier qui menait des centaines de personne à une mort certaine. Gisèle Fournier met ainsi le doigt sur un des grands danger de notre société, ce mal qui nous ronge, la modernité, le profit au détriment de la santé de milliers de personnes, et elle le fait très bien. Il y a encore d'autres mystères qui parsèment ce récit, dont je vais garder le secret ici. Alors, effectivement, les allers et retours entre présent et passé, les changements de focalisation inattendus (Jean-Marie puis Adrien le cafetier puis à nouveau Jean-Marie) peuvent dérouter le lecteur de ce roman, mais le voyage est bien intéressant !!

Le début du roman : "...sa main ne tremble pas lorsqu'il pousse la porte entrebâillée, une de ces vieilles portes faites de planches noueuses, par endroits fissurées, reliées par des traverses déjointées qui, dira-t-il plus tard, laissent voir le jour et même deviner le mouvement oscillant des branches du figuier lors des matins venteux et, plus tard encore, celui des roses trémières qu'il plantera le long du mur de pierres sèches séparant le jardin de la route, une main ferme malgré les gonds qui gémissent, le heurtoir qui claque et d'où s'échappent des particules brunes, de la rouille peut-être qui se fond dans la poussière grisâtre recouvrant le sol. Dedans, une odeur de vieux."

Et cette citation, judicieuse, en incipit...à méditer
"Ce qu'il y a de bien quand on quitte un endroit pour un autre, c'est qu'on pense que le nouveau sera mieux. Mais il n'y a pas de solution, et on le sait, on sait que ce sera la même chose. Pourtant, on a beau le savoir, savoir que tout sera fichu à peine aura-t-on mis pied à terre, on s'imagine que ce qui est nouveau sera différent. Le résultat, c'est que ce n'est ni nouveau ni différent. C'est exactement la même chose, un nouvel acte de la même pièce sur une autre scène." CARLOS LISCANO

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Les lectures de Clarabel et de Lily

Caroline qui m'a transmis ce livrevoyageur avec une carte-tapis qui fait le bonheur de ma fille !

14 mars 2008

Caramel

caramel

A Beyrouth, des femmes travaillent ou se prélassent dans un institut de beauté... Layale est la maîtresse d'un homme marié. Elle espère qu'il va quitter sa femme. Nisrine est musulmane et va bientôt se marier, mais elle n'est plus vierge et s'inquiète de la réaction de son fiancé. Rima est tourmentée par son attirance pour les femmes, et cette cliente en particulier qui revient souvent se faire coiffer. Jamale est obsédée par son âge et son physique ; elle écume les castings. Rose sacrifie sa vie pour s'occuper de sa soeur âgée un peu folle. Au salon, dans une ambiance féminine, amicale et libérée, elles trouvent chaucune l'étincelle et le réconfort qui leur permet d'affronter les caprices de la vie.

Mon avis...
J'attendais beaucoup de ce film, mis à part sa sortie en DVD, sans doute un peu trop. Je l'ai bien aimé, c'est certain, mais je ne peux pas dire qu'il a été le coup de coeur que je pressentais. Cela dit, Caramel nous raconte de très belles histoires de femmes, courageuses et volontaires, de manière très sensuelle et grave. Il y a un petit côté "Vénus beauté Institute" incontestable, une certaine légèreté en moins et de profondeur en plus. Les images sont superbes, les silences émouvants. J'ai été très touchée par l'histoire de cette couturière, Rose, qui sacrifie une histoire d'amour pour une soeur un peu folle et castratrice. A découvrir, bien sûr, pour celles et ceux qui ne l'auraient pas encore vu !

La bande annonce...

Anne et Anjelica ont vu ce film au cinéma...

13 mars 2008

Le guide automatique, Emmanuelle Pagano

couverture_leguideautomatique"C'est en rêve, le 16 décembre 2007, que j'ai rencontré mon guide automatique. Je rêvais que j'aménageais un gîte. Derrière le gîte, il y avait une porte, et derrière la porte, un vieux qui racontait des histoires. Sa parole était automatiquement déclenchée par l'ouverture de la porte. Je me suis réveillée et j'en ai parlé à tout le monde. Mais ce n'était pas suffisant. Je voulais le faire exister plus fort : j'ai écrit cette nouvelle. Lecteurs, merci pour le guide."(quatrième de couverture)

Un couple gère un gîte - on imagine en montagne - et héberge un vieil homme, d'origine étrangère, là depuis longtemps, présent dans cette maison depuis bien avant eux. Il connaît toutes les histoires, les légendes et les histoires réelles, celles de la famille de la narratrice. Son plaisir est de les raconter aux touristes, curieux, qui ouvrent la porte du fond. L'ouverture de cette porte déclenche sa parole, mais les touristes interessés se font plus rares et Ukalo se fait vieux...

J'avais beaucoup aimé Les adolescents troglodytes d'Emmanuelle Pagano, roman que je vous recommande encore chaudement... On retrouve dans cette nouvelle cette même âpreté montagnarde, servie ici par une écriture différente, car la narratrice qui nous conte cette histoire est la femme du couple gérant du gîte, elle a le langage de son pays. On se laisse bercer par la description de cet étrange personnage qu'est Ukalo, guide automatique et vieil homme têtu, et puis on ouvre la porte et sa parole nous happe...

Je vous invite à découvrir à votre tour cette nouvelle, sortie en édition limitée par la Librairie Olympique de Bordeaux ce mois de mars. Toutes les informations pour commander ce petit livre sont disponibles ici.

Début de la nouvelle : "J'attends la mort du guide automatique.
Ce serait une délivrance, faut dire ce qui est. Pour nous et pour lui. A force il me fait peine. Il n'a plus le même succès que dans le temps, quand les gens louaient uniquement pour ça, pour le guide, et que le gîte était réservé longtemps à l'avance, jusqu'à deux ans d'attente.
Ce n'est pas un guide, plutôt un raconteur d'histoires, un raconteur automatique, on aurait mieux fait de l'appeler le conteur automatique, mais comme parfois il fait un peu le géographe-géologue-historien, un peu aussi le guide pour randonneurs immobiles en indiquant les GR précis de ses histoires, on a toujours dit le guide automatique.
En vrai il s'appelle Ukalo."

Le blog d'Emmanuelle Pagano : http://lescorpsempeches.net/corps/

bouton3   Note de lecture : 4/5

Bordelais et bordelaises, Emmanuelle Pagano sera ce week-end chez vous, lors du Marché de la Poésie des Chartrons 2008 !

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12 mars 2008

Ma boîte aux lettres est en fête...

...en ce moment !

CRIM0011

Des livres voyageurs, des cartes, des petits mots... Merci !

12 mars 2008

Taguée...

...par Bel Gazou et Anne !!

tag

Règlement : donner le lien de la personne qui vous tague - préciser le règlement sur votre blog - taguer 6 autres personnes en mettant leur lien en fin de billet - répondre aux dix questions que voici :

1. Le trait principal de mon caractère : je suis plutôt réservée (enfin bien moins qu'autrefois)... mais je bouillonne à l'intérieur,

2. La qualité que je désire chez les hommes : une capacité certaine à faire preuve de tendresse...et de force,

3. La qualité que je préfère chez les femmes : j'aime lorsqu'elles assument sans complexes leurs faiblesses...cela rend les rapports amicaux plus enrichissants,

4. Mon principal défaut : le manque d'assurance...,

5. Ma principale qualité : l'écoute,

6. Mon occupation préférée : câliner mes enfants,

7. Un plat qui me met l'eau à la bouche : tout ce que cuisine mon mari en général (chez moi, c'est presque resto tous les jours) Par ailleurs, le mot "crêperie" réveille en moi un grand appétit,

8. Mes mots favoris : amour, liberté, indulgence,

9. Ce que je déteste par dessus tout : le mépris et l'intolérance,

10. Un rêve : avoir le pouvoir d'alléger les peines et les soucis de ceux que je rencontre,

Je tague donc à mon tour les 6 personnes suivantes (choix difficile), dont j'aimerais beaucoup connaître les réponses, et qui à ma connaissance n'ont pas encore été taguées : Plum', Arlette, Katell, Ptitlapin, Sylire et Caro. Rien d'obligatoire, bien entendu !!

11 mars 2008

Un cargo...

...échoué sur une plage de Vendée.

collage47

Des photos prises par M Antigone...hier après-midi. N'est-ce pas surréaliste ?

Pour voir des vidéos

10 mars 2008

Cela n'arrivera jamais, Eric Pessan

pessanTrois hommes, trois histoires... différentes et voisines. Ce sont peut-être les mêmes personnes...ils ont un prénom semblable, "Roman", ils connaissent la même femme, Claire.
Oui, effectivement, ce sont les mêmes personnes... et dans un battement de cils ou de rêve, trois univers parallèles se sont créés, autour d'un même drame, un été où Claire a fermé la porte sur une dispute, à l'étage, dans la maison de la grand-mère de Roman.
Le premier homme a subi le drame et se terre dans sa douleur, le deuxième - marié, trois enfants - l'a évité et se perd dans son présent, le troisième l'a provoqué et se noie dans sa solitude...
Au coeur d'un été qui fête sombrement les dix ans du jour où les éclats des destins se sont éparpillés, le premier "
Roman" déroule ses vacances dans sa voiture, près de la maison de sa grand-mère, dans laquelle il n'ose pénétrer de peur de croiser le fantôme de Claire ; le second "Roman" vient passer son été dans cette même maison avec une Claire vivante et les trois enfants qu'ils ont eu depuis dix ans ; le troisième "Roman", enfin, se cache dans son appartement parisien, fuit l'été et ses plaisirs, et tente de fixer avec des mots une réalité qui s'embrouille et s'effiloche.
Ces trois mondes se suivent, et parfois se croisent, déroutant les protagonistes et nous plongeant nous, lecteurs, dans une confusion recherchée.

Mon avis : Eric Pessan a une belle écriture, fluide et poétique...mais l'univers qui s'installe dans ce roman demande dès le départ une lecture exigeante. Décidée à persévérer, j'ai réussi à tenir la première partie, celle où un Roman perdu se terre dans sa voiture, fêtant seul l'anniversaire de la mort de celle qu'il aimait. Quelques indices laissent présager un mystère à venir... La deuxième partie contant l'été en famille d'un Roman ayant su sauver Claire à temps, et à présent chargé de famille, m'a beaucoup plus enthousiasmée par son réalisme et sa touchante tendresse. Vient ensuite une troisième partie qui remet tout en question et laisse le lecteur abasourdi par ce roman riche et complet. Pour vous résumer ce livre à l'atmosphère étrange, il suffit peut-être de dire que Eric Pessan y exploite tous les possibles d'une vie, et les chemins de traverse où peuvent nous entraîner ce fameux "et si...".

Un extrait : "Qui donc le poursuivrait ? Il sourira de sa panique, il est trop nerveux, il n'aura pas vu ce qu'il aurait cru voir, il le saura, et pour cause, il saura que ce n'est pas possible, il sait pour Claire, il l'a su dès qu'il a forcé la porte de la chambre, dix ans auparavant, il a su que c'était sa faute, qu'il aurait dû se presser. Il roulera. En doublant un monospace, il entr'apercevra le visage de la conductrice, reconnaîtra au premier coup d'oeil sa coupe de cheveux, sa frange un peu négligée. Il lui faudra toute sa volonté pour ne pas se retourner. En dix ans, il rira, en dix ans, elle aura changé de coiffure. Et il pleurera. Il chassera ses larmes du revers de sa main, il n'aura pas de Kleenex, il atteindra l'Italie, il traversera l'Autriche, la Roumanie et la Hongrie, il ira droit au coeur des évènements, comme disent les voix. Les évènements, reprendra-t-il en écho. La jauge de l'essence approchera du rouge. Le voyage sera long."

Pour lire autre chose, sur remue.net, et découvrir son écriture, plus longuement...

bouton3 Note de lecture : 4/5 (parce que j'ai un peu souffert dans ma lecture, avec Roman, au fond de sa prostration...)

9 mars 2008

Justine

escalierAimer pour de vrai, cela ne m’arrivera jamais, jamais plus.

En tous les cas, pas ici, pas sur cette terre, pas pour moi.

 

 

 

Ai-je déjà su le faire ? Je n’en suis pas certain. Serrer un  corps contre moi, le protéger, vouloir son bien, par-dessus tout. Rien que son bien. Pas le mien. Par-dessus tout.

Je n’en suis pas certain.

 

 

 

La lumière filtre légèrement par l’interstice des volets tirés. Il fait jour. Ils vont bientôt rentrer, monter bruyamment les stores, faire entrer le soleil, donner à tout, à cette chambre, un éclat si cru, si désespérant, l’éclat d’une fin qui me ressemble, morne et esseulée.

 

 

 

Je profite du calme qui précède l’entrée des aides soignantes. Je redoute leur présence conviviale, le sourire qu’il me faudra leur prodiguer, bien malgré moi.

 

 

 

« Vous allez bien Monsieur Thomas ? ».

 

 

 

Je ne leur réponds jamais. Elles le savent. Leur regard évite le mien, glisse sur les taches à accomplir, le plateau du petit-déjeuner à déposer.

 

 

 

Que pourrais-je leur dire ? Que je ne vais pas bien, que je vais même crever, sans doute bientôt. Que voilà, c’est ainsi. Que je me meurs d’une mort programmée. Qui se soucie des états d’âme d’un vieil homme renfrogné ?

 

 

 

Je sens déjà mon corps se détacher de moi, doucement. Je le sens inerte sous les draps, comme sur le départ. Mon corps a fait ses bagages. Il ne m’a rien demandé. Il a décidé, sans préavis, qu’il m’avait suffisamment porté, qu’il pouvait, à présent, se reposer, sans moi.

 

 

 

Mon esprit embrumé cherche au fond de sa mémoire le souvenir d’un amour passé, auquel s’accrocher un instant. Il cherche parmi les éclats des visages qui défilent celui qui a su le retenir assez longtemps pour faire battre son cœur. Il tente un retour vers une vie, ancienne, plus vive, plus réelle.

 

 

 

Je ne sais plus. J’enfonce ma tête dans l’oreiller et me perds dans la contemplation d’un plafond sans couleurs.

 

 

 

Justine ! Ca y est, je me souviens… Justine.

 

 

 

Une bouche rose et des cheveux châtains, déployés, s’agitent tout à coup devant moi. Comment ai-je pu oublier ce sourire, ces fossettes joyeuses et cet aplomb sans bornes ? Oui, c’est vrai, il y eut Justine.

 

 

 

Je la vois, comme si c’était hier, dévaler les escaliers de notre immeuble, sans se soucier du bruit qu’elle faisait, sans se douter que le heurt de ses talons contre les marches en bois résonnait jusque dans les appartements voisins. Je la vois s’ébrouer dans le froid du matin, effrayer le chat du gardien et s’envoler au coin de la rue, son manteau derrière elle, comme une cape.chat

 

 

 

Justine me fascinait. Elle me semblait mystérieuse et irréelle. Elle était pourtant à peine plus âgée que moi. Je passais des heures dans les escaliers à guetter son passage. Bien souvent, dans sa précipitation, elle me gratifiait d’un éclat de rire, amusée que le livre que je lisais pour me donner une contenance s’envolât dans un bruissement de feuilles froissées.

 

 

 

Justine, qui se souciait si peu de mes quatorze ans, et de mon cœur en miettes. Justine qui m’a regardé avec un peu plus d’intérêt lorsque j’en ai eu dix-sept et que ses dix neuf ans alourdissaient ses pas. Justine que j’ai découverte, un matin, en pleurs, dans un recoin du hall d’entrée de notre immeuble.

 

 

 

J’entends au loin les chariots du petit déjeuner heurter les portes coulissantes qui séparent les services. Elles ne vont plus tarder… Je perçois déjà le souffle de leur présence, si vivante, si bruyante.

 

 

 

Je voudrais qu’elles me laissent encore, un instant, penser à ce moment du passé, si lointain, sentir sous ma peau des muscles adolescents, capables à l’époque de soulever ce grand corps affaissé, muscles à peine capables aujourd’hui de traîner le porte goutte-à-goutte jusqu’aux toilettes. Je voudrais pouvoir retenir, ce matin, le souvenir de ce qui ne m’arrivera jamais, jamais plus.

 

 

 

Justine. Je l’avais soulevée jusque dans notre appartement. Elle s’accrochait à mes épaules comme un petit chat perdu, effrayé. Je ne savais pas quoi faire de ce grand corps, pelotonné sur mon lit, visiblement en détresse. Nous étions seuls et l’appartement était silencieux. Mes deux parents travaillaient.

 

 

 

Je me souviens avoir, maladroitement, soulevé les mèches de cheveux qui recouvraient son visage, lui avoir caressé un instant la joue, lui avoir préparé un thé brûlant qu’elle a laissé refroidir, sans l’avoir bu, sur ma table de chevet. Je me souviens de mon trouble de la voir là où je désespérais depuis toujours de la voir, et de mon incapacité à la faire parler. Je me souviens du jour qui baissait, au dehors, et de ses larmes qui n’en finissaient plus de couler.

 

 

 

« Vous allez bien Monsieur Thomas ? »

 

 

 

Martine, l’aide soignante du jour, vient de pénétrer dans ma chambre. Sa collègue, restée dans le couloir, farfouille dans le chariot à la recherche d’une cuillère et d’un couteau pour le plateau suivant. Comme prévu, elle soulève violemment les volets, après avoir déposé près de moi le plateau du petit-déjeuner, au café fumant.

 

 

 

Sans attendre une réponse de ma part à sa question rituelle, elle redresse mon lit, cale l’oreiller derrière mes épaules, vérifie le goutte-à-goutte, tout en sifflotant un air que je ne reconnais pas. La porte se referme enfin sur sa blouse blanche. J’entends ses sandales en plastique se diriger vers la chambre d’à côté. J’ai devant moi, encore, quelques minutes de tranquillité.

 

 

 

Justine s’était tout à coup redressée, avait regardé l’heure sur le réveil qui me tirait du sommeil chaque matin, avait déposé sur mon front un baiser brûlant et s’était enfuie de notre appartement, sans explications. J’étais resté stupide, dans le noir de ma chambre, à regarder un lit vide, sur lequel persistait la trace d’un corps que je n’avais même pas touché.

 

 

 

Mes parents m’avaient rapporté le lendemain, avoir entendu dans les escaliers, des nouvelles de Justine. Il était question d’un départ précipité, étrange, vers la capitale.

 

 

 

« Elle doit être enceinte. », assura ma mère, avec un haussement d’épaules.

 

 

 

Je comprenais la honte d’une situation, délicate à l’époque, je comprenais les larmes de la veille, je ne comprenais pas toutes les implications de ce départ précipité.

 

 

 

Justine a disparu de ma vie, pendant de longs mois, et j’ai fini par l’oublier, peu à peu.

 

 

 

justineUne autre fille, plus douce, moins compliquée, m’a souri au printemps, m’a laissé goûter ses lèvres, s’est accrochée à mes bras. Je ne l’aimais pas réellement, mais je l’ai laissée, petit à petit, mettre sur ma vie ses désirs. Quelques années plus tard, elle est devenue ma femme, je l’ai laissée m’épouser, enrober ma vie d’un cocon, sans battements de cœur, sans dangers.

 

 

 

Lorsque Justine est revenue vivre dans l’appartement de ses parents, un silence pesant a couru dans les escaliers, comme une onde froide. Personne n’a jugé bon d’émettre un commentaire sur ce retour surprenant. Même le chat du gardien ne s’enfuyait plus au passage de ses souliers.

 

 

 

Justine a repris ses études, là où elles les avaient interrompues, comme si aucune rupture n’était venue fêler son existence. Son visage, autrefois rose et bourré de fossettes, était toujours d’une même couleur blême et fade, quel que soit le temps. Lorsque je la croisais, elle ne m’adressait plus aucun regard, comme si, jamais, rien ne s’était passé entre nous, comme si son corps ne s’était jamais lové, en pleurs, sur mon lit d’adolescent.

 

 

 

Je ne ressentais plus pour elle, pour ce qu’elle était devenue, les sentiments qui m’avaient agités auparavant, je ne ressentais plus ce désir, fort, bouleversant, de la protéger, de recueillir son rire, d’embrasser à perdre haleine ses cheveux bouclés. Je ne l’aimais plus.

 

 

 

Martine entre dans ma chambre, à nouveau, elle vient chercher le plateau, à peine entamé.

 

 

 

« Il faut manger, Monsieur Thomas ! », me dit-elle d’une voix que je juge un peu adoucie, au regard de son ton habituel.

 

 

 

Ses yeux rencontrent les miens, un instant. Je sais qu’elle sait, je le vois dans son regard. Elle sait que je sais, elle le lit dans mes mains qui tremblent et esquissent un geste résigné. Il me semble que ses épaules se sont un peu affaissées lorsqu’elle quitte la chambre. J’entends, quelques minutes plus tard, son rire résonner dans la chambre d’à côté. Qui se soucie des états d’âmes des aides soignantes, et de leur combat constant, pour garder le sourire, seul remède contre la morosité ? Qui se soucie de ce qui se passe dans ce lieu, des étincelles de vie mises de côté ?

 

 

 

J’étais sortie de la vie de Justine sans y être jamais entré. Elle était sortie de la mienne, sans le savoir. Je ne me doutais pas, à dix-sept ans, que je n’aimerais plus jamais, et que cela me manquerait, tout à coup, à l’approche de ma mort. Qu’aimer, pour de vrai, était la seule chose que je regretterais soudain, un matin de printemps, au réveil.

 

 

 

Serrer un corps, contre le mien, le protéger, vouloir son bien, par-dessus tout. Rien que son bien. Pas le mien. Par-dessus tout.
Aimer, un point c’est tout.                     

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