Stay Gold
[Je n'aime pas tout du groupe, mais celle-ci si] Sinon, pendant ce temps, je lis Autour du monde de Laurent Mauvignier et je savoure l'écriture. Depuis quelques temps, je lis lentement, tout semble un peu compliqué, la panne de lecture attendre derrière chaque page. Allez, qu'il est bon d'être en week-end, et de tenter d'écrire quelque chose pour l'atelier d'écriture de Leiloona [clic], vais-je y arriver ? Bon week-end !
Deux, Stanislas Wails
"Simon est désemparé par la brusquerie avec laquelle tout s'arrête, mais c'est exactement comme de sortir d'un rêve : les premières secondes, en équilibre, entre deux sortes de réalités, sont emplies de douceur. La douleur vient après."
Clorinde, jeune étudiante en cinéma, décide un beau jour de suivre dans la rue ces deux hommes qui lui plaisent, par goût du jeu et de l'aventure, et dont elle surprend charmée la conversation. Le hasard décide finalement pour elle et, des deux hommes, il choisit Simon, scénariste. Son attention se focalisera alors sur lui. Elle décide de le séduire et y parvient. Commence alors entre eux deux une relation dans laquelle la légèreté est de mise, l'effleurement. Il s'agit de ne pas réveiller la réalité, la lourdeur ou le sérieux, de disparaître au bon moment, avant la lassitude, l'habitude, l'ennui. Mais l'entrée de Clorinde dans l'univers de Simon, sa participation à son prochain tournage, mettra soudain toute la douceur de leurs échanges en coulisses. Promue stagiaire, Clorinde apprend à se taire, à observer, à attendre, à faire dix choses en même temps, change, grandit.
Le ton des premières pages de ce petit roman m'a soufflé, par sa modernité, sa fraîcheur, et l'énergie de son style. Je suis restée scotchée par les nombreuses petites trouvailles d'écriture de l'auteur (un régal), et le sourire m'est à de nombreuses reprises venu aux lèvres pendant cette lecture. Stanislas Wails écrit bien, qu'on se le dise, et il me tarde de le lire de nouveau. J'ai cependant un gros bémol sur l'intrigue, peut-être un peu trop attendue, et sur ce souffle qui se perd en milieu d'ouvrage, sur le virage qui est pris et qui amène Clorinde à se métamorphoser en super stagiaire efficace. J'aurais aimé continuer je pense sur le même fil tendu dans les premières pages et regarder se tisser jusqu'à la fin la toile des amours poétiques et cruelles de Clorinde et Simon. Je salue cependant la superbe couverture, ai beaucoup pensé en parcourant les pages de ce livre au très bon film Lost in Translation (le passage dans l'hôtel sans doute), et note le premier roman de l'auteur, La Maison Matchaiev, sorti en 2011. Un titre qui m'a remis définitivement sur les rails perdus de la lecture, et une délicieuse petite découverte malgré mes bémols...
Editions Au Diable Vauvert - 17€ - 1er octobre 2014
Un avis trouvé sur Sans connivences assez vif et pertinent à lire [ici]
David De Rueda
Hier, petite promenade sur Nantes. Nous sommes rentrés dans une galerie YellowKorner, rue Crébillon, essentiellement commerciale (il ne faut pas se le cacher) mais nous sommes tombés en extase devant plusieurs photographies superbes ! J'ai une préférence marquée pour celle ci-dessous. N'hésitez pas à jeter un oeil sur leur site (http://www.yellowkorner.com). Bon dimanche !
Fun Home, Alison Bechdel
"Sa gentillesse était aussi incandescente que sa colère était sombre."
Dans Fun Home, nom du salon funéraire où officiait sa famille, Alison Bechdel explore son enfance particulière, et surtout ses relations avec un père à la fois aimé et détesté, finalement prisonnier de ses propres désirs, obsessions et tyrannies. Avec une minutie et un soucis troublant du détail, l'auteure raconte comment alors que jeune-fille elle informe sa mère de son homosexualité elle apprend celle de son père en retour. Quelques jours plus tard, un camion percute cet homme mystérieux qui a caché pendant vingt ans derrière le masque de l'époux parfait une autre vie. Suicide ? Accident ? Alison ne cesse d'échaffauder des hypothèses et de chercher à trouver un sens aux scènes du passé, un sens à leur parcours inversé.
Il a fallu sept ans à Alison Bechdel pour élaborer ce magistral roman graphique autobiographique que Points publie en poche. Le petit format ne gêne d'ailleurs pas la lecture, qu'on se le dise. Et oh combien il est intéressant de suivre ainsi cette jeune femme qui se questionne, ne jette pas la pierre, mais sait dire ce qui a été bien, ou beaucoup moins, ce qu'elle a retenu des liens qui l'unissaient à sa famille, met en perspective son cheminement en regard de celui de son père, leurs choix différents. Un coup de coeur complet pour cette BD de grande qualité, dans la droite ligne de Blankets de Craig Thompson [clic], et que je rapprocherais également de ma lecture de Cet été-là des Tamaki [clic].
Editions Points - 9.90 € - 20 novembre 2014
Pour Pénélope Bagieu, sa nouvelle BD préférée de tous les temps [clic]
Les Nuits rouges du Théâtre d'épouvante, Alexandre Kha
"Comme si la vie n'était pas assez horrible. Le monde suffit à nous glacer d'effroi."
Complètement inscrit dans l'univers étrange, poétique et décalé, d'Alexandre Kha, Les Nuits rouges du théâtre d'épouvante nous raconte l'histoire d'une troupe de comédiens d'un théâtre confidentiel où la terreur est au programme et les spectateurs satisfaits des spectateurs convenablement terrorisés. Rempli de multiples références du genre (Le Portrait de Dorian Gray par exemple), de figures emblématiques de l'épouvante (épouvantail, loup-garou, zombies, jeunes femmes pâles), cet album déroule ses pages comme une sorte de roman-feuilleton à la Edgar Alan Poe.
J'apprécie beaucoup l'originalité du travail d'Alexandre Kha, dont je suivais autrefois le blog, et dont j'ai beaucoup aimé découvrir les premiers petits albums [Clic ici]. J'ai sans doute été moins séduite par le sujet de celui-ci, par son format BD plus traditionnel, mais l'auteur sait toujours autant nous laisser de guingois, désarçonnés, nous balader entre confort et inconfort, et insuffler à ses personnages une poésie profonde. Pour les adeptes.
Editions Tanibis - 20€ - 14 Novembre 2014
Lu dans le cadre de La Voie des Indés sur Libfly. Quelques planches sur le site de l'éditeur [par ici]. Pour d'autres lectures sur ce titre, cliquez sur le logo ci-dessous.
Respire, Anne-Sophie Brasme
"Même entourée, j'étais seule. Les autres n'existaient plus si Sarah n'était pas là. Son absence m'achevait, me torturait, m'écrasait.
Oui, sans Sarah, je n'étais rien."
Charlène vit dans une famille sans grands reliefs. Exaltée, se sentant incomprise, elle rêve à l'adolescence de retrouver cette amitié qui l'avait liée plus jeune à une autre petite fille aux grands yeux. Mais l'arrivée au collège n'est pas très satisfaisante. Charlène traîne sa solitude, son mal-être, et un beau jour décide de se laisser entraîner au bord de l'étouffement par une crise d'asthme. Elle se retrouve alors à l'hôpital. Sarah apparaît. Et c'est cette camarade de classe, jusqu'à présent inaccessible, charismatique, qui lui promet une amitié éternelle, Charlène s'y engouffre avec émerveillement.
Il paraît hallucinant que ce roman d'une grande maîtrise soit sorti de la plume d'une jeune écrivain de 17 ans. Ancré de plein pied dans l'univers adolescent, il décrit en effet très bien le mécanisme subtil du harcèlement, et le jeu cruel qui se joue parfois entre les murs des classes, à l'insu de tous, à l'aide de moues indifférentes, de regards appuyés ou de stratégies douteuses. L'amitié est dans ce roman une aventure dangereuse, blessante, une addiction nocive. J'ai beaucoup aimé la fraîcheur du style d'Anne-Sophie Brasme, l'intention audacieuse de son roman et ses personnages. J'espère la relire de nouveau, et voir le film de Mélanie Laurent aussi, certainement.
Editions du Livre de Poche - 5.10€ - Octobre 2002
Beaucoup de lectures chez Babelio [clic] - La fiche du livre sur le site du Livre de Poche [clic]
Je ne tiens pas debout
[Décidément j'aime] En prévision, un week-end chargé dans ma vie réelle. Je serai donc peu présente sur internet. Les livres me tombent encore beaucoup des mains mais j'ai vu ici et là que le mal était assez général, effet secondaire de la rentrée littéraire sans doute. J'ai quand même commencé Respire de Anne-Sophie Brasme, à l'origine du film dont on parle beaucoup en ce moment. L'écriture est belle. Bonnes lectures et bon week-end !!
Une vie à soi, Laurence Tardieu ~ Rentrée littéraire 2014
"Je m'appelle Laurence T., je suis écrivain, je viens d'avoir quarante ans. J'ai été au bord de l'effondrement pendant deux ans, incapable d'écrire une ligne, incapable d'accrocher le réel. Plus rien n'avait de sens, les mots n'avaient plus de sens. Les mots étaient vides. Et aujourd'hui j'écris ce livre."
Cela reste un étonnement constant l'inattendu de ce qui parfois nous réveille. Il suffit souvent juste d'un miroir tendu, d'une phrase, d'une rencontre. Pour Laurence Tardieu, rattrapée par une douloureuse panne d'écriture, ce fut cette exposition de Diane Arbus, ses photographies, un choc visuel, puis l'exploration d'un destin qui faisait tant écho au sien. Devant elle, il y a cette même enfance privilégiée qui se mure derrière des parois de verre, mais aussi le choix d'une vie différente, sincère, moins facile, moins tracée, honnête, et tous les sacrifices que cela engendre, le désordre que cela crée autour de soi, l'incompréhension et la solitude. Alors l'écrivain va se nourrir du parcours de la photographe, s'appuyer dessus, y puiser de la force, des impulsions, et peu à peu retrouver goût au jour qui se lève.
"Il n'y a qu'en écrivant que je ne triche pas. Que je reste la même que moi."
Ce titre de Laurence Tardieu est véritablement dans la continuité de ses derniers livres, du choix d'écrire La confusion des Peines [clic] par exemple, au constat que l'écriture a disparu en même temps que le brouhaha créé par ce récit (L'Ecriture et la vie [clic]). On ne rentre pas dans Une vie à soi comme dans un roman confortable. C'est l'histoire d'une quête qui nous est donnée, via des fragments de souvenirs, des scènes du quotidien, une enfance retrouvée. Personnellement, je suis très touchée par le chemin d'écriture que prend Laurence Tardieu, par ses questionnements, par son courage, sa sensibilité aussi. Certaines phrases m'ont percutée violemment, la résonnance est évidente, et ouvre de nouvelles portes, des réflexions, sur l'exigence dans laquelle on tient soi-même son existence.
"J'aurais pu continuer ainsi, en écrivant des romans : "touchants", qui ne dérangent personne. Qui inventent des histoires."
Un très personnel coup de coeur que, je l'espère, vous partagerez.
Editions Flammarion - 18€ - 20 août 2014
Je participe au challenge 1% rentrée littéraire de Hérisson... qui consiste à lire au moins 6 livres de la rentrée littéraire [clic ici pour plus de détails] - et je suis en partance vers le 2% - n°10/12
Clara a été touchée-coulée [clic] - Un coup de coeur et au coeur pour Cathulu [clic] - Une plume délicate et lumineuse pour Leiloona [clic] - Bouleversant pour Mirontaine [clic] - Un coup de coeur pour Eimelle qui a la bonne idée de rajouter des photographies de Diane Arbus [clic]
En cours de lecture...
"[...] ainsi donc, le monde est bien plus vaste que le petit territoire propre et verouillé que je parcours depuis l'enfance, il est traversé de mille frontières dont une première vient de m'apparaître, il intègre ce qu'on a toujours cherché à tenir éloigné de moi, dans un souci évident de protection mais qui, loin de me procurer un quelconque apaisement, génère en moi la plus vive des angoisses : la vie n'est pas seulement ordre, clarté, cohérence, verticalité, unicité, maîtrise, toutes ces choses qui, lorsqu'elles existent seules, sont effrayantes - mais aussi désordre, ombre, folie, aliénation, effondrement. On n'est pas toujours debout. On est parfois à terre. On est parfois hurlant. En mille morceaux. Oui, la vie est immense, ouverte sur des abîmes. Ouverte sur des espaces. La vie est bien vivante."
Extrait de Une vie à soi de Laurence Tardieu, Flammarion 2014
(copyright - photo chipée sur le twitter des Inrocks)
Plein hiver, Hélène Gaudy
"La couleur de la glace. C'était l'une des premières choses que l'on apprenait aux enfants de Lisbon. Là où la glace est bleu pâle, l'eau est gelée en profondeur. La glace blanche est une glace de neige, plus fragile, incertaine. Glace grise, risque de dégel. Ne pas y poser un pied."
David Horn avait disparu à l'adolescence de cette petite bourgade située au Nord des Etats-Unis, mal nommée Lisbon, laissant derrière lui une population atterrée et anesthésiée, déjà habituellement transie par le froid, une mère éplorée et des amis sidérés. Soudain, alors que l'on pensait ne plus jamais le revoir, il réapparaît. Ce retour imprévu perturbe la petite communauté qui doute soudain de la sincérité de cet homme taiseux, fils prodigue un brin décevant, qui semble ne pas correspondre vraiment au David dont on avait conservé le prégnant souvenir...
J'ai lu ce très subtil roman d'Hélène Gaudy dans de biens mauvaises conditions, en pleine panne de lecture. Pour autant, en le refermant hier, j'ai su que j'avais lu là un très beau livre, à conseiller, qui sait avec une écriture magnifique et précise décrire les différentes couleurs de la neige, le flux douloureux des émotions cachées, le tumulte de l'adolescence, la rudesse évidente d'une vie dans le Nord, avec ses contraintes et ses limites, mais aussi avec le vertige de ses espaces infinis. Un titre à découvrir, indubitablement, même s'il vaut plus par l'ambiance qu'il décrit que par l'histoire qu'il raconte, soyez en avertis.
Editions Actes Sud - 20€ - Janvier 2014 - Merci ma bibli !!
La lecture de Cachou, mitigée [clic] - Val également mais elle salue l'ambiance [clic]