L'Oeil du léopard, Henning Mankell
"L'inconnu m'effraie toujours autant que le jour où je suis descendu de l'avion et où le soleil rendait le monde aveuglant, constate-t-il. Je suis conscient de me trouver à la fin d'une époque qui va être remplacée par une autre et qu'une catastrophe se prépare. Je sais que je suis blanc et beaucoup trop visible. Je sais que je fais partie de ceux qui succomberont sur ce continent. Et pourtant je reste."
De Suède, Hans Olofson débarque sur le sol africain, en Zambie, pour d'obscures raisons. Au départ, pour atteindre le rêve de voyage d'une femme qu'il a beaucoup aimé, Janine, puis abandonné. Ensuite parce qu'il fuit la culpabilité qui le ronge, celle d'avoir peut-être tué cette femme justement, laissé son meilleur ami se morfondre dans un hôpital et de n'avoir pu retrouver sa mère. L'Afrique offre à Hans un refuge et un but. Se pensant simplement de passage, il restera dix-huit ans sur ce continent. Essayant de faire au mieux, de mettre en pratique un certain idéal social. Ayant obtenu en héritage une ferme, et un sentiment de terreur indicible...
Nous sommes loin, dans L'oeil du Léopard, de la douceur des romans suédois d'Henning Mankell. Car ce qui impressionne surtout dans ce récit est cette peur constante du danger qui imprègne chaque page. Nous assistons près du narrateur à la décadence lente et inexorable d'un pouvoir blanc enfermé dans son racisme primaire, face au mystère d'un peuple noir faussement soumis qui observe, juge et tue, en silence.
J'ai pensé bien entendu à La ferme africaine de Karen Blixen dont je n'ai vu que la version film (Out of Africa). J'ai peut-être été un peu gênée par l'absence d'espoir qui règne dans la vie d'Hans Olofson, un parti pris d'Henning Mankell qui surprend un peu. Mais L'oeil du léopard reste cependant un livre très bien fait et pregnant, d'une force visuelle étonnante.
Editions Points - 7.60 € - Avril 2013