Home is where it hurts
[Grosse émotion que cette chanson en début du dernier Xavier Dolan] D'ailleurs, j'ai bien l'intention d'en acquérir la Bande Originale ainsi que le texte (pièce de théâtre de Jean-Luc Lagarce). Et tandis que je me passe en boucle les chansons phares du film depuis la semaine dernière, je lis molécules de François Bégaudeau. Et puis et puis, j'ai décidé de participer au comité de lectures BD de ma bibliothèque (en plus des romans), parce que lire des BD me manque... et que je suis sûre d'avoir ainsi plein de beaux albums à vous présenter ici. De toutes les façons, Octobre sera encore un mois à surprises (enfin plutôt Novembre), bref... préparez-vous !
Celle que vous croyez, Camille Laurens
"Ma culpabilité est double, vous comprenez, elle est écrasante. Je l'ai leurré avec un fake, je l'ai laissé sombrer dans mes mensonges."
Claire, femme divorcée de quarante-huit ans, vit assez mal sa relation avec son amant Jo, Jo le fuyant, Jo le mal aimant, le courant d'air. Il lui vient alors comme idée de le surveiller via les réseaux sociaux. Mais pour ce faire, pour ne pas éveiller les soupçons, elle doit avancer cachée, s'inventer un faux profil et le pister sur le compte facebook d'un ami, qu'elle n'aura sans doute pas trop de difficultés à séduire avec une identité fabriquée, plus jeune, plus mystérieuse. Cependant, entre cet ami, Chris, et une Claire brune de vingt-quatre ans inventée, se tisse au fil des conversations un amour naissant. Comment se dépêtrer de cette situation ? Claire est en réalité une autre femme, blonde, professeur, plus âgée. Malgré l'insistance de Chris, une rencontre IRL (In Real Life) s'avère donc impossible. Claire est contrainte d'inventer encore un évènement pour mettre fin à cette conversation, et au désir fort qui s'était installé peu à peu entre eux deux...
Je vais essayer de vous parler de ma lecture sans trop en dire car il serait dommage de passer à côté des effets de texte que Camille Laurens nous fabrique dans ce roman étonnant. Je dois vous avouer cependant, et honnêtement, que la première partie du récit m'a laissée un peu froide. Je n'étais pas certaine de reconnaître ce qui m'avait déjà plu avant dans l'écriture de Camille Laurens. J'avais eu en effet un gros coup de coeur pour Romance Nerveuse [clic]. Mais voilà, alors que je pensais lire une histoire d'amour somme toute assez banale, quoique virtuelle, et racontée par une femme visiblement choquée, j'ai été cueillie en milieu de texte par un virage, bousculée dans mes certitudes, et finalement extrêmement troublée. Camille Laurens joue avec la vérité, avec nos nerfs de lecteurs, navigue dans la réalité comme certains naviguent sur la toile, avec des demi-mensonges, des quasi-vérités, et j'ai fermé ce livre pleine d'étonnements et de questions. En effet, l'histoire que je vous ai racontée plus haut n'est peut-être pas vraiment l'histoire que Camille Laurens raconte réellement dans ce livre. Mais réduire ce texte à un jeu serait injuste, car en filigrane il s'agit aussi de parler du vieillissement, du regard des hommes, du désir toujours présent, et de l'envie forte et entière de rester vivante, à tel point que l'écriture ne suffit plus à l'écrivain et que seul le contact des corps semble la solution. Quand se perdre pour l'amour d'un homme reste une façon comme une autre d'exister.
Editions Gallimard - 17.50€ - Janvier 2016 - Merci Nathalie !
Camille Laurens sera ce soir à La Grande Librairie (France 5) - Les avis de Clara et Cathulu !! Je l'avais repéré chez Cuné !
Romance nerveuse, Camille Laurens
"[...] je n'écris pas des livres pour savoir ce qu'il y a dedans, je les écris parce que je suis dedans, je m'y mets toute entière comme on vous met en terre, dans chaque livre je porte l'amour au tombeau, je le fais avec des mots vivants, mais je le fais, je n'y vais pas de langue morte mais j'y vais, j'écris, je cherche une langue vivante pour des choses mortes, j'écris, je consigne des objets perdus - je raconte ce qui m'a mise dedans, persiste et signe."
Je vous avais raconté précédemment [dans ce post] une rencontre avec cette auteure, Camille Laurens, que j'admire depuis ma lecture de Dans ces bras-là, rencontre qui m'avait beaucoup plu. Dernièrement, c'est son roman, tout juste sorti en poche, qui a croisé mon chemin.
Et bien, Romance nerveuse est loin d'être seulement le récit de cette rupture avec son éditeur de toujours, POL, dont tout le monde a été témoin, et qui n'est qu'un pretexte, un démarrage d'intrigue.
(Et c'est pourtant ainsi que les médias nous l'ont présenté à sa sortie, ce livre, quel dommage, suivant ainsi le fil de la polémique entretenue plus tôt, mais bon...)
Il s'agit ici de raconter ce qui en découle, cette descente aux enfers constatée, cette pente soudain glissante et inexorable vers le n'importe quoi, et la relation amoureuse qui naît de ce moment-là, saugrenue, sauvage, avec un homme, différent, borderline, étranger, amoureux et infidèle, rassurant et impitoyable, Luc le paparazzi.
Il est difficile en tant que lecteur d'adhérer à cette romance, dont on attend la fin, le point de rupture, la cassure. Il est difficile d'en comprendre la déchéance. Et pourtant, cette attente est attachante, comme ce qui lie de manière incompréhensible les personnages, addictive. Les phrases/citations sont présentes à chaque chapitre. J'avais d'ailleurs constamment envie de plier les coins de pages de mon exemplaire emprunté, je me suis heureusement empêchée.
Pourtant, je n'ai pas toujours aimé assister avant à la tension entre Marie Darrieussecq et Camille Laurens, ni approuvé vraiment les arguments de cette dernière, sa colère personnelle. Cependant, et contre toutes attentes, lire ce roman a été pour moi une sacrée claque littéraire.
Camille Laurens ne craint pas les salissures de l'écriture, de la vie, et à la lire là je me dis qu'elle est également une bien grande auteure ! Attention, âmes sensibles s'abstenir.
Camille Laurens
Comme je vous l'annonçais discrètement en blog-it, j'ai assisté à une rencontre toute en douceur et en finesse hier au soir avec Camille Laurens au sein de ma bibliothèque municipale, conversation animée par Eric Pessan.
Il y a été question bien entendu de la polémique qui l'a mise il y a quelques temps sur le devant de la scène contre Marie Darrieussecq, de la rupture qui en a découlé avec son éditeur des débuts, POL, mais surtout d'écriture... Camille Laurens nous a expliqué combien elle est dans ses livres, sans y être, car pour elle ce sont toujours des romans qu'elle écrit, elle y tient. Il y a ce qu'elle dit, mais également tout ce qu'elle tait et cette part là est plus importante que ce que l'on croit. Car en effet, on l'accuse bien souvent de déballage, mais c'est ce que l'on reproche aussi plus largement à l'autoficition. Camille Laurens a une idée très forte de ce qu'est la littérature, celle du moi en particulier, elle a cité Leiris ou Hervé Guibert. Son passé de professeur de Lettre Modernes y est sans doute aussi pour quelque chose...
J'ai connu pour ma part l'écrivain via Dans ces bras-là qui m'avait beaucoup émue lors de ma période fac, et bien entendu par Philippe, qui m'avait encore plus touchée, évidemment. Difficile pour elle alors quelques années plus tard d'imaginer que l'on puisse faire de ce drame là un thème d'écriture à traiter. Mais bref, n'en parlons plus.
C'est une auteure dont j'aime la musique des mots et dont j'ai envie d'oublier la présence médiatique dont elle même a décidé de jouer, en sortant en novembre 2011 un livre intitulé Les fiancées du diable, enquête sur les femmes terrifiantes, elle qui semble avoir suscité malgré elle la peur sur un plateau de télévision (réflexion d'un autre invité). Cette remarque est à l'origine de ce livre d'art mettant en avant la femme dans ce qu'elle a de plus terrible, Romance nerveuse ayant par ailleurs permis d'exorciser le reste.
Lors de cette rencontre, le point librairie a été dévalisé, je n'ai donc pas pu acheter Romance nerveuse comme je l'espérais, mais je le lirai très certainement, plus tard... Les fiancées du diable, beaucoup plus cher (c'est ce que l'on appelle dans le métier de libraire Un beau livre), semble vraiment intéressant. A suivre... donc.