J'envisage de te vendre (j'y pense de plus en plus), Frédérique Martin
"Alors ? lui demanda-t-il, c'est quoi le programme, maintenant ?"
Frédérique Martin m'avait tenue en haleine dans Le vase où meurt cette verveine, roman qui mettait en scène un couple de personnes âgées contraintes de se séparer pour raisons médicales et qui entretenait une relation épistolaire des plus tendres jusqu'à ce que tout parte un peu en cacahuète... Dans ce recueil de nouvelles-ci, écrites avec un art certain, nous retrouvons la même angoisse sourde, le même déséquilibre désagréable et pourtant fascinant. Frédérique Martin envisage l'avenir de notre humanité sous un jour cynique, via des instants de vie acides et piquants, qui va bien au monde dans lequel nous vivons. Peut-être, en effet, dans un futur proche, pourrons-nous vendre une mère qui nous encombre (fauteuil compris) ? Choisir sa mort, ou bien laisser mourir son prochain pour un bon plan ? Forcer nos concitoyens à jouer, à regarder la télévision, à choisir son enfant sur catalogue ? Qu'en savons nous ?
Si vous souhaitez lire des nouvelles sans avoir l'impression de lire des nouvelles, il faut lire Frédérique Martin. Car elle a l'art de ne pas se coller au genre mais de distiller sa propre voix, de ne pas terminer ses récits par une phrase toute faite qui ferait retomber l'intrigue sur ses pieds. Elle questionne, ouvre des portes et les laisse ouvertes, en ferme certaines et nous laisse pantois, semble aussi à l'aise dans la dystopie que dans l'absurde. Et moi j'ai juste envie de dire chapeau !
Editions Belfond - 17.50€ - Janvier 2016
Jérome n'a pas boudé son plaisir - Réjouissant pour Noukette ! - Saxaoul a ri jaune et a été touchée...
Nouvelles contemporaines ~ Delphine de Vigan, Timothée de Fombelle et Caroline Vermalle
Ce recueil de nouvelles entre dans le cadre des Instructions Officielles du programme de français de 3ème, préconisant l'étude de "nouvelles porteuses d'une regard sur l'histoire et le monde contemporain". Trois auteurs sont réunis ici, Delphine de Vigan (No et moi, Rien ne s'oppose à la nuit), Timothée de Fombelle (Tobie Lolness) et Caroline Vermalle (L'avant dernière chance).
* Delphine de Vigan imagine une enfant si intelligente qu'elle croit que son coeur est devenu sec à force de compter. C'est une belle histoire, sensible et fraîche.
* Timothée de Fombelle explore au travers de sept courtes nouvelles d'une grande efficacité la dureté du réel, même enfantin. La seule règle qu'il avoue se donner au détour d'une phrase est "de laisser une échappée, un espoir, un trait de lumière". J'ai été bluffée par l'écriture de cet auteur.
* Caroline Vermalle apporte toute son humanité et son sourire doux à ses deux récits. Le premier met en scène un manège qui a le don mélancolique de recycler les souvenirs. Le deuxième nous permet d'accompagner un père, déménageur de métier, dans ses démarches pour sortir sa fille de sa détresse. J'ai été très touchée par ce dernier récit qui m'a remué le coeur !
Ce petit livre de poche est une belle surprise, on ne pense pas spontanément trouver une telle qualité d'écriture dans une collection qui s'adresse en quatrième de couverture aux jeunes adultes (quelle erreur !). Le format est souple, brillant et agréable au toucher, il participe largement au plaisir de lecture.
Je remercie Caroline Vermalle (que j'avais rencontrée en 2010) et Hachette Livre pour l'envoi !
"Aspiré par cette conversation qui réchauffait tout le carrousel, le vieil homme éteignit l'ampoule ordinaire qui pendait au plafond. Alors la nuit tomba sur une amitié toute neuve, sur les premiers pas et les derniers tours, sur tous les départs et toutes les arrivées, et sur les rizieres radieuses de l'autre côté du temps."
http://carolinevermalle.blogspot.fr/
Editions du Livre de Poche - 4.95€ - avril 2012
Stephie a été séduite - Leiloona est heureuse de sa lecture ! - Saxaoul aussi !