Le téléphone pleure...
… et ne sonne jamais pour moi.
Cela fait des mois que je partage cette chambre de neuf mètres carrés avec moi-même. Je ne me supporte plus.
Le soir, lorsque je reviens des cours, et que je ferme la porte, je suis toujours là, au rendez-vous, pour un dîner en tête-à-tête.
Je parviens à repousser de quelques minutes l'échéance de ce moment d'intimité en partant cuisiner dans la salle commune. Là, il faut attendre mon tour, qu'une plaque chauffante se libère pour enfin pouvoir y poser ma casserole d'eau. J'y jetterai ensuite une poignée de pâtes.
J'aime côtoyer les conversations joyeuses des étudiants Erasmus et humer l'odeur épicée de leurs plats exotiques. Je déteste leurs soirées crêpes ou couscous qui m'obligent à monter quatre étages pour utiliser une cuisine isolée.
Lorsque je mange finalement mon plat indigeste, assise sur mon lit, l'appétit s'est depuis longtemps envolé et je reprends le cours de la conversation engagée avec moi-même, ce matin, au petit déjeuner.
Au delà de ma porte, dans le couloir autour duquel se distribuent une dizaine de chambres, se trouve un téléphone. Les appels de l'extérieur y sont transmis jusqu'à 21h30.
Je me dis, en silence, que ce serait bien si ce soir il sonnait, pour moi.
Ce serait bien qu'ILS m'étonnent, qu'ils fassent, pour une fois, cet effort là.