Si je devais...
...écrire un roman, je commencerais par fermer les yeux, un moment.
Je sais qu’il apparaîtrait presque aussitôt, mon personnage.
La jeune fille se tiendrait d’abord de dos. Je ne verrais d’elle que ses cheveux châtains, souples et longs, son lourd manteau brun et sa main, nerveuse et blanche tenant une clé. Elle fermerait alors la porte de son appartement, au cinquième étage, dévalerait l’envolée de marches qui mène dans la rue et je verrais enfin son visage, dissimulé sous une frange épaisse. Je déciderais de noter cette expression sur mon carnet à spirales : « ses yeux, grands et changeants, lui mangeaient le visage ».
Il y aurait des ruelles pavées, Nantes, le quartier Bouffay, le vendeur de marionnettes. Il y aurait de la pluie, fine et légère, comme une évidence. Les rues grises s’habilleraient de parapluies colorés. Elle mettrait sa capuche, mon héroïne, se souciant peu de son image. Elle serrerait ses bras autour de son torse, peut-être un peu trop maigre. Elle aurait froid mais elle se sentirait bien.
Elle s’engouffrerait alors dans le passage Pommeraye. Les miroirs lui renverraient son reflet, par mégarde. Elle ouvrirait une autre porte et disparaîtrait, sans prévenir, dans les entrailles de la ville.