Mes bras vides
Lorsque je viens te voir, le soir, un peu tard, tout le service semble apaisé. Les lumières se font plus douces. Seuls, les moteurs des couveuses ronronnent tranquillement, à peine dérangés par l'alarme des biberons automatiques.
Lorsque je viens m'asseoir ainsi près de toi, j'aimerais pouvoir laisser les larmes couler sur mes joues, en silence. Mais nous ne sommes pas seuls ! Je garde en moi, coincé dans la gorge, cette boule d'angoisse qui ne me quitte plus.
Je tire sur le fil de ta peluche musicale et laisse les quelques notes mélancoliques s'égrener jusqu'à la fin. Tu ouvres les yeux, tu souris presque.
"Maman te dit bonne nuit. Je dois partir."
Te prendre délicatement dans ton berceau. Te poser contre ma peau nue. Ton petit corps fripé doux et chaud.
Sortir de ces couloirs. Fuir les lumières crues. T'envelopper dans mes bras de maman kangourou. Te kidnapper.
Ma blouse blanche enlevée, je ferme délicatement la porte du service des prématurés. Je ferme les boutons de mon gilet. J'ai un peu froid. Je prends l'ascenseur, le ventre et les bras vides.