Mes bras vides

Lorsque je viens te voir, le soir, un peu tard, tout le service semble apaisé. Les lumières se font plus douces. Seuls, les moteurs des couveuses ronronnent tranquillement, à peine dérangés par l'alarme des biberons automatiques.

Lorsque je viens m'asseoir ainsi près de toi, j'aimerais pouvoir laisser les larmes couler sur mes joues, en silence. Mais nous ne sommes pas seuls ! Je garde en moi, coincé dans la gorge, cette boule d'angoisse qui ne me quitte plus.

Je tire sur le fil de ta peluche musicale et laisse les quelques notes mélancoliques s'égrener jusqu'à la fin. Tu ouvres les yeux, tu souris presque.

"Maman te dit bonne nuit. Je dois partir."

Te prendre délicatement dans ton berceau. Te poser contre ma peau nue. Ton petit corps fripé doux et chaud.

Sortir de ces couloirs. Fuir les lumières crues. T'envelopper dans mes bras de maman kangourou. Te kidnapper.

Ma blouse blanche enlevée, je ferme délicatement la porte du service des prématurés. Je ferme les boutons de mon gilet. J'ai un peu froid. Je prends l'ascenseur, le ventre et les bras vides.

Comments

[antigone]

Un petit oiseau qui s'est bien remplumé, je peux te le dire ! Un texte autobiographique, forcément. Un moment difficile que je garde pourtant en mémoire comme un moment très doux, presque privilégié...étrangement.
Lorsque je touchais du bout des doigts ses orteils minuscules, il frissonnait et il tournait alors la tête vers moi. Je sais que le lien qui existait à ce moment là existe encore entre nous, il ne s'est jamais coupé, et je suis fière de ça...de l'avoir conservé tous ces longs jours où je rentrais chez moi, sans lui, les bras vides. C'était un effort, presque surhumain pourtant, d'aller le voir et de s'infliger cette douleur là... Ecrire ce texte et "Rendez-vous" m'a permis de pouvoir enfin laisser couler toutes ces larmes retenues !!
Voilà Plum'! Merci à toi. J'aime ces textes aussi, ceux qui parlent de mes enfants, ils me sont chers !
Bises et bonne soirée !

[Plum']

Ce texte est à la fois dur et doux.
Dur parce qu'il nous confronte à la néo-maternité frustrée. Plus rien dans le ventre mais rien dans les bras non plus. Un vide qui doit être terrible pour une maman.
Mais il est doux car plein d'amour. Et même si une vitre sépare l'enfant de sa mère, la transparence du verre ne peut que laisser passer tout cet amour, toute cette tendresse, toute cette chaleur.
Un petit oiseau qui ne peut que "se remplumer" dans ce nid translucide avant de connaitre la tiédeur du sein maternel et la sécurité des bras paternels.
Bref, j'adooooooooooooore !
Gros bisous.