Etre une bonne fille
Eteindre la lumière du garage, coincer la bassine de linge sur ma hanche et puis, descendre le long du mur gauche de la maison, dans le noir, les étoiles pour tout éclairage.
Je n’ai pas peur du buisson qui bruisse, des cailloux importuns ou du chat du voisin, qui s’échappe en me frôlant. Je ferme les yeux. Mes pas sont assurés. Je sais faire. J’ai l’habitude.
La clé tourne difficilement dans la serrure. Il faut l’enfoncer, un peu, mais pas trop. Je tâtonne pour trouver l’interrupteur. La cave s’éclaire brusquement. Il est tard. J’accroche chaque pièce de linge au fil, pendu près du plafond bas.
Vendredi soir. Il est vingt-deux heures. Je suis arrivée tout à l’heure. Dîner. Lessive. Je suis chez mes parents, et je ne me sens plus chez moi. Je voudrais être ailleurs, dans mon petit appartement de neuf mètres carrés, même seule, même désespérée.
Je ne viens pas pour le linge, je ne viens pas pour les voir, je ne sais plus pourquoi je viens.
Etre une bonne fille, je sais faire. Je ne sais faire que cela. Quitte à garder ce goût, dans ma bouche, tout le week-end.
La bassine vide, posée à côté de moi, je contemple le jardin silencieux. Le bruit de la télévision me parvient, atténué par les volets fermés.
Il faut rentrer.