Au café
Derrière les fenêtres embuées, je vois défiler les ombres des passants affairés, par grappes. Les aiguilles de l’horloge, au dessus du comptoir, avancent doucement dans le brouhaha ambiant. Il sera bientôt quinze heures. Elle ne va plus tarder.
Je l’attends. Je m’installe un peu plus confortablement sur ma banquette en moleskine marron, de celles qui craquent sous le poids lorsque l’on s’assoit. Je m’inquiète.
La voilà ! Elle passe les portes battantes avec son sourire triste, celui que je rêve d’embrasser. Elle vient vers moi et se glisse rapidement sur la banquette d’en face, sa place habituelle.
Le visage levé, elle essaye d’attirer l’attention du serveur, il ne la remarque pas. Son regard me traverse alors. Elle retire son écharpe. Je lui souris. Elle esquisse un haussement d’épaule, je la sens s’apaiser.
Le serveur approche enfin. Elle lui commande un café, serré.
Et c’est pour ce moment là que je l’aime, pour cet instant où, sa tasse fumante à ses côtés, elle se sentira assez confiante pour sortir un livre épais de sa besace usée, pour craquer sa tranche, sans vergogne, et se plonger dans sa lecture.
Pour elle, je n’existe pas.
Le soir venu, pourtant, dans l’obscurité de sa chambre, elle me murmure des suppliques, presque sans y croire.
Je l’aime, sans espoir, mais je suis, et je resterai, pour toujours, son ange gardien.