Badenheim 1939, Aharon Appelfeld
L'histoire (quatrième de couverture) : "A badenheim, l'été est un moment de transition : les ombres de la forêt battent en retraite, la lumière se répand d'une place à l'autre et les rues s'animent en prévision de la saison estivale. Mais en cette année 1939, tandis que les premiers vacanciers déposent leurs bagages à l'hôtel, que Papenheim et son orchestre arrivent pour le festival de musique, que Sally et Gertie, les prostituées locales, flânent dans l'avenue, deux inspecteurs du service sanitaire passent devant la patisserie couverte de fleurs. [...] Ainsi commence ce récit d'une sinistre métamorphose : celle d'une station thermale fréquentée par la bourgeoisie juive en antichambre de la "délocalisation" vers la Pologne."
Avis d'Antigone : Ce roman est un chef d'oeuvre !
Dès le départ, en quatrième de couverture, l'éditeur compare l'auteur à Kafka, comparaison que je ne comprenais pas au début de ma lecture, comparaison que j'ai mieux comprise alors que la transformation de la station balnéaire se met en place et que les acteurs de ce "drame" se rendent compte du piège dans lequel ils sont enfermés.
Plusieurs éléments se métamorphosent tranquillement jusqu'à donner au lecteur un sentiment de malaise attentif. Il y a notamment l'existence de ce service sanitaire, discret puis tentateur, vantant tout d'abord un voyage salvateur vers la pologne, puis obligeant chaque juif à s'inscrire sur ses registres. Et ce festival qui bat son plein, engourdissant les consciences, tandis que les estivants se gavent de patisseries et flânent au bord de la piscine, et qui se termine en pagaille désorganisée.
La ville est fermée, devient un ghetto, l'étau se resserre. L'intrigue avance doucement, sûrement, inconsciemment, inexorablement vers un wagon à bestiaux sale qui mènera certainement "où l'on sait". Et cette phrase terrible du Dr Papenheim : "Si les wagons sont aussi sales, c'est signe que nous n'irons pas loin."
Je vous recommande cette lecture, chaudement ! Doucement ennivrant, puis terriblement angoissant, ce roman là ne vous laissera certainement pas indifférent.
Extrait (début du roman) : "Le printemps était de retour à Badenheim. On entendait carillonner les cloches de l'église du village proche de la ville. Les ombres de la forêt battaient en retraite. Le soleil dispersait les vestiges de l'obscurité et sa lumière se répandait dans la grand-rue, d'une place à l'autre. C'était un moment de transition. Les estivants se préparaient à envahir la station. Deux inspecteurs passèrent dans la ruelle pour contrôler le bon foctionnement des canalisations. La ville dont la population s'était beaucoup renouvelée au fil des ans conservait sa beauté, une beauté discrète."
La lecture de Clarabel