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Les lectures d'Antigone ...
Ardoise magique

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Ben oui, à mon tour, j'ai craqué !

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24 août 2008

Les années, Annie Ernaux

LES_ANNEES"Au travers de photos et de souvenirs laissés par les évènements, les mots et les choses, Annie Ernaux donne à ressentir le passage des années, de l'après-guerre à aujourd'hui. En même temps, elle inscrit l'existence dans une forme nouvelle d'autobiographie, impersonnelle et collective." (extrait de quatrième de couverture)

heart Voici peut-être le travail d'une vie, le résultat de notes amoncelées au fil des années, la réalisation d'un projet qui semblerait gargantuesque à n'importe qui et un récit qu'Annie Ernaux nous livre ici pourtant sans faute de rythme, comme un cadeau, d'une douceur et d'une légèreté surprenante. Le "nous" devient "on", nous englobe, et le "je" est mis en retrait dans un "elle" derrière lequel on devine aisément l'auteure, dont on connaissait déjà des fragments de vie (ici et ici aussi). Des années 50 à nos jours, Annie Ernaux parle d'elle, de son histoire personnelle, de ses parents, de ses enfants, de ses amants, et du monde, un monde vu par le petit bout de la lorgnette, mais un monde réel dans lequel nous avons vécu nous aussi. On se dit sans cesse, au fil de notre lecture "Ah oui c'est vrai", et on se surprend à sourire de nos paroles, à se souvenir des objets à présent délaissés du quotidien, à adhérer (ou pas) aux réflexions de la romancière sur les évènements de l'actualité. Un exercice de style magistral, un défi relevé avec talent et un moment de lecture dont j'aimerais goûter la saveur plus souvent !!!

"Elle voudrait réunir ces multiples images d'elle, séparées, désacordées, par le fil d'un récit, celui de son existence, depuis sa naissance pendant la Seconde Guerre mondiale jusqu'à aujourd'hui. Une existence singulière donc mais fondue aussi dans le mouvement d'une génération."

"La forme de son livre ne peut donc surgir que d'une immersion dans les images de sa mémoire pour détailler les signes spécifiques de l'époque, l'année, plus ou moins certaine, dans laquelle elles se situent - les raccorder de proche en proche à d'autres, s'efforcer de réentendre les paroles des gens, les commentaires sur les évènements et les objets, prélevés dans la masse des discours flottants, cette rumeur qui apporte sans relâche les formulations incessantes de ce que nous sommes et devons être, penser, croire, craindre, espérer. Ce que ce monde a imprimé en elle et ses contemporains, elle s'en servira pour reconstituer un temps commun, celui qui a glissé d'il y a si longtemps à aujourd'hui - pour, en retrouvant la mémoire de la mémoire collective dans une mémoire individuelle, rendre la dimension vécue de l'Histoire."

bouton3 Note de lecture : 5/5

ISBN 978 2 07 077922 2 - 17€ - Mars 2008

Une lecture intéressante chez Le blog des livres, celle de Cathulu

L'article de C Sauvage pour LivresHebdo

Et un grand merci à ma perspicace prêteuse !!

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29 juin 2008

Matin Brun, Franck Pavloff

MATIN_BRUNMatin brun se situe dans une période trouble, où le régime impose ses lois, strictes. Les scientifiques de l'Etat national ont déclaré qu'il ne fallait plus conserver les chats et les chiens qui n'étaient pas exclusivement de couleur brune, par soucis de rationalisation. Charlie et son ami, notre narrateur, propriétaires d'animaux non réglementaires, s'exécutent et se séparent de leurs compagnons. Puis, ils décident qu'il fait bon vivre, finalement, dans une société qui imposent des règles si rigides, un Etat brun. Au moins, la vie y est légère, et il n'y a plus de questions à se poser...

heart Ce petit livre connaît le succès que l'on sait, mérité. 1 300 000 exemplaires tirés. L'édition 2008 est la vingt-sixième depuis 1998.
Depuis un petit moment indisponible chez l'éditeur, je suis heureuse d'avoir enfin pu me le procurer en librairie.
La fable, imaginée par Franck Pavloff, fait froid dans le dos. Elle nous rappelle, sans y toucher réellement, avec une fausse légèreté, combien il est facile de se laisser bercer par ce qui est insupportable, du moment que cela touche les autres, combien aussi l'être humain peut être  manipulable, lâche et égoiste.
Elle nous rappelle également, bien entendu, d'autres évènements, d'autres "sélections", pas si lointaines.
Une courte nouvelle donc, au prix modique de 1 €, à s'offrir et à offrir tous azimuts, pour réfléchir et se souvenir !!

Un extrait...
"C'est vrai que la surpopulation des chats devenait insupportable, et que d'après ce que les scientifiques de l'Etat national disaient, il valait mieux garder les bruns. Que des bruns. Tous les tests de sélection prouvaient qu'ils s'adaptaient mieux à notre vie citadine, qu'ils avaient des portées peu nombreuses et qu'ils mangaient beaucoup moins. Ma foi, un chat c'est un chat, et comme il fallait bien résoudre le problème d'une façon ou d'une autre, va pour le décret qui instaurait la supression des chats qui n'étaient pas bruns.
Les milices de la ville distribuaient gratuitement des boulettes d'arsenic. Mélangées à la pâtée, elles expédiaient les matous en moins de deux.
Mon coeur s'était serré, puis on oublie vite."

bouton3Note de lecture : 5/5

Le Cheyne éditeur

21 juin 2008

Rêve d'amour, Laurence Tardieu

r_ve_d_amour"Nous sommes le 21 juillet 2006. Il est vingt heures. Je m'appelle Alice Grangé. J'ai trente ans. Gérard Oury est mort hier. Tout cela est certain. Vérifiable. Le réel. Je marche vers un homme que je ne connais pas. Ca encore, le réel. Cet homme a aimé ma mère. Ma mère a aimé cet homme. Je n'en suis déjà plus sûre. Cet homme va me parler de ma mère. Je ne sais pas. Je vais retrouver quelque chose de ma mère. Je ne sais pas.
Les chose les plus importantes sont-elles celles que l'on sait, ou celles que l'on cherche ?
Je m'appelle Alice Grangé. J'ai trente ans. Je cherche ma mère."
(extrait et quatrième de couverture)

heart J'avais déjà lu Puisque rien ne dure, de Laurence Tardieu, et les émotions suggérées alors m'avaient semblées un peu "too much" à mon goût...et puis voilà, j'ai ouvert son dernier opus et je ne l'ai plus lâché !!
Voici donc un roman lu d'une traite, dans un souffle, en un après-midi, l'émotion au bord du corps. Voici donc, pour moi, un énorme coup de coeur de lecture !!!

L'histoire...
Alice apprend sur le lit de mort de son père que sa mère en avait aimé un autre, quelques mois avant de mourir... Rien ne reste à présent de cette mère adorée que le souvenir flou d'une robe bleue. Son père a tout jeté à l'époque, ses photos, ses tableaux... Seule a subsistée la douleur, comme une présence froide et tendre, entre eux deux. Elle décide donc de partir à la recherche du seul être qui puisse encore l'aider dans sa quête - un être surgi brutalement du passé - lui parler de sa mère, et peut-être l'aider à s'aimer mieux...

Un extrait encore...
"Je crois que j'ai passé mon enfance à attendre ma mère. Je l'attendais, des heures durant, assise dans ma chambre, immobile, obstinée, je l'attendais, je ne pleurais pas, pour ne pas compter les jours je comptais les moutons, elle allait revenir, c'était évident, comment une mère peut-elle abandonner son enfant, comment ma mère aurait-elle pu m'abandonner, je l'attendais sans rien dire à personne de la brûlure de cette attente, je l'attendais, ma mère, son rire, l'odeur de sa peau, ses robes en coton, elle allait revenir, ce soir, ou demain, ou la semaine prochaine, je la verrais apparaître sur le seuil de la porte et sourire et me faire tournoyer comme s'il ne s'était rien passé, et dans ses bras je redeviendrais légère, ces longues journées sans elle n'auraient été qu'une mauvaise farce, je l'attendais, elle ne m'avait pas dit adieu or on dit adieu lorsqu'on ne revient pas, je pouvais attendre ma mère sans crainte, elle allait revenir."

bouton3 Note de lecture : 5/5

La lecture de Sylvie, de Clarabel, de Laure...(toutes trois subjuguées)
Papillon s'est ennuyée (Ah bon ?)

Laurence Tardieu en interview par AuteursTv...


Laurence Tardieu
par auteursTV

5 juin 2008

Lettres à un jeune poète

RILKEheart Je me suis penchée sur Rilke...ou peut-être est-ce Rilke qui s'est penché sur moi, je ne sais plus.
Pourquoi avoir tant tardé à lire ces quelques pages ?

J'avais de ce recueil épistolaire une image déformée, fausse (la faute aux extraits choisis le plus souvent en citations ?).

Je pensais étrangement que ces fameuses "lettres à un jeune poète", jamais lues intégralement, n'étaient qu'une leçon d'écrivain reconnu, censé "décourager" les jeunes poètes (justement) de se lancer, de manière inconséquente, dans l'écriture. Alors qu'il n'en est vraiment rien...

Les lettres de Rilke regorgent, en fait, d'humanité, de douceur et d'"encouragement".
Elles résultent de son intérêt pour un autre jeune poète, apprenti, Franz Kappus qui, alors âgé de vingt ans, décide d'envoyer ses tentatives poétiques à Rainer Maria Rilke et de solliciter son jugement. Débute ainsi une correspondance régulière entre les deux hommes qui durera jusqu'en 1908. Ces dix lettres seront publiées en 1929, soit trois ans après le décès de leur auteur.

Rilke, au cours de sa correspondance, renvoie surtout le jeune poète en herbe Kappus, à sa solitude, seule lieu possible, pour lui, de création et de connaissance de soi.

Je vous livre enfin ces quelques lignes, qui termine sa lettre du 12 août 1904 - elles m'ont touchée au cours de ma lecture (résonnances toutes intimes) et elles m'ont véritablement données envie de lire et de connaître cet auteur plus avant...
"Et si j'ai encore une chose à vous dire, j'ajouterai ceci : ne croyez pas que celui qui cherche à vous réconforter vit sans difficulté parmi les mots simples et tranquilles qui, parfois, vous font du bien. Sa vie est pleine de peine et de tristesse, et reste très en deçà de la vôtre. S'il en était autrement, il n'eût jamais su trouver ces mots."

3 mai 2008

Des gourmandises sur l'étagère, Françoise Moreau

desgourmandisessur_l__tag_re

Un jeudi de pluie, Marie-Gabrielle et sa fille, Berthe, sont ensemble dans la cuisine. Elles préparent des moules, "le beurre grésille avec l'oignon, le thym et le laurier dans la marmitte chauffée à vif. Marie-Gabrielle y jette les moules. Les coques résistent, gémissent, s'ouvrent dans un spasme. Leur chair jaune est nue. Et le cri de la moule sous la brûlure déchire les tympans de Berthe. Elle se bouche les oreilles à deux mains. Elle hurle pour ne plus entendre. Un cri assourdissant, impuissant. Une crise nerveuse impossible à calmer." Berthe, alors, refuse de s'alimenter, devient maigre, aussi maigre que ses parents deviennent gros et gourmets...

heart J'ai été prise par surprise par ce court roman - presque une nouvelle - qui parle du plaisir et du refus de manger. Car en effet, malgré un style que j'ai trouvé trop riche à mon goût au tout début - garni d'adjectifs - je me suis laissée prendre par l'affection maladroite de ce couple, incapables d'enrayer la maigreur de leur fille et son dégoût, impuissants aussi devant son départ. La constance de leur amour fera des miracles, et je vous dirais que tout cela est beau, vraiment beau, et que ce serait dommage de ne pas goûter à ces mots là... vraiment dommage !

Un petit extrait : "C'est là que la fille sur la couverture de Tendance lui décroche le coeur. Une créature de fil de fer. Une forme évanescente à peine épaissie de tissu léger et gris. Les longues jambes nues repliées sous le menton. Cheveux en broussaille. Teint cadavre, blanc vampire. Bouche peinte en noir comme les ongles. Comme les yeux élargis, agrandis de cernes mauves. La mode en habit de parade sur la couverture de Tendance... Dix numéros sur le présentoir du marchand de journaux : Berthe Berthe Berthe Berthe Berthe Berthe Berthe Berthe Berthe Berthe."

Merci Anne pour cette bien jolie découverte !

La lecture de Bel Gazou, de Florinette, de Gawou, d'Anne, de Goelen, ...

bouton3 Note de lecture : 5/5 (parce que j'y pense encore !!)

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25 mars 2008

Balayer, fermer, partir de Lise Benincà

balayer_fermer_partirFermer une maison suite au décès de son père n'est jamais facile, mais cela l'est encore moins lorsque l'on revient dans ces lieux après tant d'années de rupture. Lorsque notre narratrice se retrouve seule dans son propre appartement, son compagnon parti en déplacement professionnel, la solitude s'empare d'elle, se mélange à ses souvenirs et rejoint la folie de son père pour cette maison construite de ses mains et de sa sueur, les murs deviennent ennemis, l'angoisse prend toute la place. Le soulagement ne pourra venir que de cette idée, imaginer des enfants "dessiner sur les murs de (son ancienne) chambre des bonhommes avec un gros ventre et une bouche qui sourit."

heart Ce que je suis heureuse d'avoir reçu ce livre...

J'ai très vite été touchée par les émotions de cette narratrice, presque dès le début de ce petit roman. Ses étranges manies m'ont semblé si familières : celle de compter les carreaux de la cuisine et de tenter d'en comprendre la logique, celle de rester des heures à observer les détails d'une tapisserie, celle de demeurer songeuse, trempée, assise sur le bord de la baignoire, apparemment sans rien faire, celle de laisser mon imagination s'emparer des lieux, des ombres et des possibles, celle de parfois me laisser doucement sombrer dans ce qui m'émeut et me bouleverse. Et puis, il y a ces allusions, parsemées au fil du récit, aux contes et peurs enfantines, cette fameuse pièce interdite, par exemple, du château de Barbe-Bleu qui m'a moi aussi toujours marquée. Je ne sais pas si ce livre vous atteindra de la même manière que moi, mais je ne peux que vous le recommander !!

Un extrait...
"Mon corps s'est assis sur le bord du lit. La tête penchée dans les mains, je contemple imbécile ce combat qui dessine de petites taches sombres sur le brun du parquet. Je réfléchis. J'essaye de me souvenir. Mon esprit n'a enregistré que des images matérielles, palpables. Pas de sensations, rien d'indéfini. Du concret, qui m'empêche d'établir un lien, quel qu'il soit, entre les évènements de ma vie et cette avalanche interne. A l'intérieur, tout s'effondre. Mon corps est poreux. Mon corps est sujet aux intrusions de l'extérieur. S'il y a un courant d'air, je m'enrhume. Et les mots que j'entends, les mots qu'on me dit. Calme toi, dit Jean. Quelque chose à l'intérieur se dénoue un instant. Le corps est mon lieu. Y suis-je enfermée ?"

Ouf ! Je sais que c'est pour lire ce type de phrases que je lis...

bouton3 Note de lecture : 5/5

L'auteur nous explique d'où vient le projet du livre en postface...
"L'année où j'ai commencé à écrire ce livre, je louais un appartement dont l'une des pièces m'était interdite par les propriétaires. Ce qu'il y avait à l'intérieur, je ne le savais pas. Elle était fermée à clé.
De cette pièce inhabitée (ou habitée par autre chose), et tandis que je vivais autour d'elle, un questionnement a surgi. Que signifie
habiter un lieu ? S'installer dans un lieu qui appartient à quelqu'un d'autre ? Que symbolise cette porte fermée sur un espace intouchable ?"

Ce livre est le cinquième titre de la collection "déplacements" dirigée par François Bon, éd. du Seuil, 13€

Voici un
livres, critiques citations et bibliothèques en ligne sur Babelio.com et je tenais particulièrement à remercier ici Babélio et Guillaume pour me l'avoir gentiment envoyé suite à la défection étonnante des éditions du Seuil.

Une belle critique également sur Ligne de fuite et d'autres échos...

20 mars 2008

Les Amants de Marie, Leslie Kaplan

Voici un livre lu dans le cadre de l' Atelier livres en poche auquel je participe régulièrement (Maison Gueffier, La Roche sur Yon).

lesamantsdemarieMarie cherche l'amour et le fuit en même temps. Elle parcourt la ville, lieu de tous les possibles, elle fait des rencontres, David, Sammy, Max, elle part, toujours, jusqu'à ce que... (extrait de la quatrième de couverture)

heart Et voilà, je suis tombée sous le charme de ce livre à l'écriture particulière ! Comment vous expliquer ? Il s'agit ici d'une sorte de roman choral. Des personnages se baladent dans Paris. Nous les suivons chacun, un à un, et alternativement. Ils ont la particularité d'avoir tous, un jour ou l'autre, rencontré Marie, l'héroine de cette histoire, jeune fille libre et libérée qui cherche l'amour mais ne peut s'empêcher de le fuir lorsqu'il devient trop présent. En filigrane, un mystère se joue, un exhibitioniste parcourt la ville et fait perdre la tête à ses habitants. La rumeur et les journaux s'emparent du sujet. Mais qui est-il ? Marie, elle, tournoie dans ce petit monde qui ne pense qu'à elle... Une écriture inventive, une intrigue qui prend le lecteur presque malgré lui, un roman à plusieurs voix qui m'a vraiment beaucoup plu.

Extrait : "Marie dit oui

Il est venu me chercher, il a dit Non, et moi... eh bien moi, j'ai dit Oui, Marie marchait, c'était l'après-midi, elle traversait le jardin, elle allait retrouver Max, elle marchait vite, de temps en temps elle s'arrêtait, regardait autour d'elle, elle repartait.
Je n'ai pas dit Oui tout de suite, il était là, d'abord je lui ai tourné le dos, il a encore dit non, plusieurs fois, beaucoup de fois, et puis il est venu se planter devant moi, et il s'est mis à me faire des grimaces, il m'a tiré la langue, j'étais au fond de mon trou, il a fait des grimaces incroyables, et qu'est-ce qui s'est passé, j'ai commencé à rire, il a fait ces grimaces, et là je ne sais pas, j'ai continué à rire, il a ri aussi, il faisait des grimaces et il riait, et puis on ne pouvait plus s'arrêter, on riait, on riait, j'avais l'impression que j'allais éclater, je me tenais les côtes, lui aussi, et j'ai eu envie de faire mieux, de faire des grimaces pires, de lui faire peur avec mes grimaces, qu'il ait peur, mais peur, qu'il me dise d'arrêter, qu'il me dise qu'il fallait que j'arrête, mais il n'a pas dit ça, il n'a pas dit ça du tout [...]."

bouton3  Note de lecture : 5/5

Résumé des propos des lecteurs réunis hier au soir : Ce roman, composé de fragments (chapitres courts) demande un effort au lecteur, une réflexion (apparemment voulu par l'auteur, très inspirée par la psychanalyse, le cinéma...). Il nous est demandé de combler, par notre imagination, les manquements du récit... Les avis étaient partagés. Tous les lecteurs ont ressenti le besoin de prendre le temps de rentrer dans ce livre, et ont souligné leur attachement aux personnages...

La présentation du poche était coordonnée par une bibliothécaire de Rezé (44) qui a déjà rencontré l'auteur, et connaît bien les romans et essais de Leslie Kaplan. Elle nous a raconté sa rencontre avec ses livres, nous a clairement donné les clés de son oeuvre, ce qui était très intéressant. Nous étions par ailleurs plutôt nombreux, la conversation était donc relativement animée... Une soirée agréable en somme !!

Leslie Kaplan sera présente à une lecture-rencontre le mardi 13 mai à 19h à la Bibliothèque de Rezé.

Un texte à lire, de Leslie Kaplan, sur Inventaire-Intention : Les mots, qu'est-ce que c'est ?

La fiche de Leslie Kaplan sur le site de POL.

15 mars 2008

Ruptures, Gisèle Fournier

rupturesL'installation de Jean-Marie dans une maison abandonnée d'un hameau perdu intrigue les habitants du village : pour venir vivre là en ermite, il a forcément quelque chose à se reprocher... Faisant fi des menaces et des intimidations, Jean-Marie mettra toute son énergie au service de ce projet de rénovation. Plus qu'une maison, c'est bien sa propre vie, hantée par de lourds secrets, qu'il tente de reconstruire...(extrait de la quatrième de couverture).

heart Ce roman commence étrangement, par trois points de suspension...et je n'étais pas certaine au tout départ de tenir le fil de cette écriture, rapide et dense, remplie d'adjectifs, un peu déconcertante. Et bien si, j'ai tenu, et je me suis régalée... Je ne sais pas vous mais j'adore quand les personnages construisent leurs petits abris, à la manière d'un robinson, et il est plaisant de suivre Jean-Marie dans son installation, aux côté de son chat adoptif, Chalilas. Et puis, il y a ces passages, extrêmements forts, ceux qui expliquent l'exil : la femme qu'il a quitté, sa vie terne et surtout son ancien métier qui menait des centaines de personne à une mort certaine. Gisèle Fournier met ainsi le doigt sur un des grands danger de notre société, ce mal qui nous ronge, la modernité, le profit au détriment de la santé de milliers de personnes, et elle le fait très bien. Il y a encore d'autres mystères qui parsèment ce récit, dont je vais garder le secret ici. Alors, effectivement, les allers et retours entre présent et passé, les changements de focalisation inattendus (Jean-Marie puis Adrien le cafetier puis à nouveau Jean-Marie) peuvent dérouter le lecteur de ce roman, mais le voyage est bien intéressant !!

Le début du roman : "...sa main ne tremble pas lorsqu'il pousse la porte entrebâillée, une de ces vieilles portes faites de planches noueuses, par endroits fissurées, reliées par des traverses déjointées qui, dira-t-il plus tard, laissent voir le jour et même deviner le mouvement oscillant des branches du figuier lors des matins venteux et, plus tard encore, celui des roses trémières qu'il plantera le long du mur de pierres sèches séparant le jardin de la route, une main ferme malgré les gonds qui gémissent, le heurtoir qui claque et d'où s'échappent des particules brunes, de la rouille peut-être qui se fond dans la poussière grisâtre recouvrant le sol. Dedans, une odeur de vieux."

Et cette citation, judicieuse, en incipit...à méditer
"Ce qu'il y a de bien quand on quitte un endroit pour un autre, c'est qu'on pense que le nouveau sera mieux. Mais il n'y a pas de solution, et on le sait, on sait que ce sera la même chose. Pourtant, on a beau le savoir, savoir que tout sera fichu à peine aura-t-on mis pied à terre, on s'imagine que ce qui est nouveau sera différent. Le résultat, c'est que ce n'est ni nouveau ni différent. C'est exactement la même chose, un nouvel acte de la même pièce sur une autre scène." CARLOS LISCANO

bouton3 Note de lecture : 5/5 (parce qu'il le vaut bien !)

Les lectures de Clarabel et de Lily

Caroline qui m'a transmis ce livrevoyageur avec une carte-tapis qui fait le bonheur de ma fille !

21 février 2008

Pitiés, Philippe Raulet

piti_sheart  L'histoire : Une famille, en banlieue parisienne. Le père est au chômage, la mère fait des ménages. Deux grands enfants. Le benjamin, Thomas, a 14 ans, il est solitaire, il écrit des listes, c'est son passe-temps favori. Lili, l'aînée, 16 ans, romantique et rêveuse, prend le train tous les jours, elle aimerait rire plus souvent. Leur mère, elle, voudrait voir la mer, celle de l'affiche collée sur le frigo, elle boit un peu de temps en temps, pour oublier que leur père ne travaille pas et que, par conséquent, ce voyage est impossible... Mais un soir, le père pose des billets sur la table, ils partiront bientôt, il a trouvé l'argent, on ne veut pas savoir où, la joie resserre leurs liens, cela valait le coup, sans doute...

Mon avis : J'aimerais savoir bien vous parler de ce livre pour vous dire à quel point il m'a bouleversé. Chaque personnage de cette histoire est attachant, chacun à sa manière. Pour résumer, en très gros, ce livre parle des rêves (de vacances), de la famille et de l'amour. Pour vous en dire plus, il parle aussi de la pauvreté, de son injustice, de l'entraide, de l'amitié, des rencontres possibles (dans le train, sur une plage, dans une pizzéria) et du courage. Il ne vous reste plus qu'à le lire ! Bien sûr, l'écriture en est particulière, orale, mais l'on s'y fait très vite et je parie que vous serez enthousiasmés... A essayer !!

Un extrait (Lili, dans le train) : "les gens qui parlent ou qui somnolent ou parfois parlent et puis somnolent et puis reparlent, plus loin, sur deux banquettes en vis-à-vis, on y fête un anniversaire-les bouchons ont sauté-ils ont des gobelets en carton à la main

les portes-documents sur leurs genoux servent de table pour les apéritifs et les petits gâteaux, dans le coeur de Lili on devine un pincement

même s'ils rient pour des choses idiotes-et les femmes aussi fort que les hommes-des allusions vulgaires ou des histoires pleines de sous-entendus, de lit, de tromperies et de petites culottes, il n'empêche qu'on devine un pincement dans le coeur de Lili, on ne rit pas assez chez elle, pas comme là, non, c'est forcé, elle veut dire de bon coeur

et puis elle se met à jouer à l'un de ses jeux préférés, l'un de ses jeux secrets préférés, remettre sur ces corps d'adultes, ces corps bien fatigués, usés, d'adultes, leurs têtes d'enfant, de bébé même si possible ou tout du moins d'enfant, ce qui n'est pas toujours facile

certains ont bien laissé des signes, des traces, et quel que soit leur âge, mais d'autre non, d'autres c'est un mystère, pourtant Lili s'obstine, ne renonce jamais, ceux qui résistent ce sont ses préférés, il arrive qu'elle en manque son arrêt, qu'elle oublie de descendre à sa gare, mais pas cette fois, non"

(puisqu'elle va rencontrer Marc, mais chut !!)

Je vous avais déjà parlé de ce livre dans cet article-ci, ayant assisté à une soirée "hommage" et à une lecture publique, inachevée pour moi (cliquer ici pour en savoir plus sur l'auteur, la soirée à laquelle j'ai assisté et voir des photos. Non, je ne suis pas dessus).

bouton3 Note de lecture : 5/5

13 février 2008

La mare au diable, George Sand

lamareaudiableVoici encore un livre lu dans le cadre de l'

Atelier livres en poche

(Maison Gueffier, La Roche sur Yon)

heart

L'histoire : A à peine trente ans, Germain, laboureur, est veuf depuis deux ans d'une femme qu'il pleure toujours et père de trois enfants, l'aîné vient d'avoir sept ans. Son beau-père, soucieux de son avenir, le presse de chercher une nouvelle femme pour s'occuper de ses petits, et oublier son chagrin. Au départ réticent, Germain finit par accepter l'idée d'aller trouver une prétendante à Fourche. Il doit pour cela traverser une forêt au centre de laquelle se niche une mare. Chargé de Marie, une petite voisine de 16 ans qu'il doit laisser en route, et de son dernier fils, il voyage tranquillement vers ce nouvel amour incertain, mais la forêt lui fait curieusement perdre son chemin, et sa raison...

Mon avis : Ce court roman est une redécouverte. Il m'en restait un souvenir confus de sorcellerie et d'envoûtement, je ne saurais dire pourquoi. En fait, George Sand brosse ici le portrait d'une campagne rude mais belle, où les paysans connaissent l'injustice de voir leur travail nourrir des propriétaires terriens blasés, une prise de position habituelle pour elle mais inhabituelle pour l'époque. Cette histoire est belle, celle d'un amour qui prend ses protagonistes au dépourvu, celle d'une forêt qui protège et fait tourner les têtes, celle d'une mare dont on ne parle jamais, qu'à l'improviste, comme par mégarde. Ce roman nous fait dire une fois de plus, comme bien souvent, que ce n'est ici pas le but du voyage qui importe mais bien le chemin. A lire, bien sûr !

Un extrait : "Germain connaissait le chemin jusqu'au Magnier ; mais il pensa qu'il aurait plus court en en prenant pas l'avenue de Chanteloube mais en descendant par Presles et la Sépulture, direction qu'il n'avait pas l'habitude de prendre quand il allait à la foire. Il se trompa et perdit encore un peu de temps avant d'entrer dans le bois ; encore n'y entra-t-il point par le bon côté, et il ne s'en aperçut pas, si bien qu'il tourna le dos à Fourche et gagna beaucoup plus haut du côté d'Ardentes.

Ce qui l'empêchait alors de s'orienter, c'était un brouillard qui s'élevait avec la nuit, un de ces brouillards des soirs d'automne que la blancheur du clair de lune rend plus vagues et plus trompeurs encore. Les grandes flaques d'eau dont les clairières sont semées exhalaient des vapeurs si épaisses que, lorsque la Grise ls traversait, on ne s'en apercevait qu'au clapotement de ses pieds et à la peine qu'elle avait à les tirer de la vase.

Quand on eut enfin trouvé une belle allée bien droite, et qu'arrivé au bout, Germain chercha à savoir où il était, il s'aperçut bien qu'il s'était perdu [..]."

L'avis des autres participants : Ce roman est un conte, naïf, idyllique, peu réaliste, où les personnages parlent comme des aristocrates (convention de l'époque) !

George Sand a voulu montrer la beauté du monde paysan, malgré la grande pauvreté qui régnait dans les campagnes, les conventions sociales, les supersititions.

bouton3 Note de lecture : 5/5

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