Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les lectures d'Antigone ...
Ardoise magique

Ce blog a dorénavant une page Facebook...
https://www.facebook.com
/antigone.lectures

Ben oui, à mon tour, j'ai craqué !

Newsletter
90 abonnés
emotion
3 septembre 2008

Le château de verre, Jeannette Walls

le_ch_teau_de_verreJeannette Walls aperçoit par hasard sa mère alors qu'elle se rend à une soirée mondaine à bord d'un taxi. Devenue clocharde, celle-ci est en train de fouiller les poubelles d'une rue de New-York, proche de l'endroit où se tient la réception vers laquelle se rend sa fille.
Paniquée et morte de honte, Jeannette Walls se cache.
Lourde du secret de ses origines, cette journaliste New-Yorkaise à présent reconnue, chroniqueuse de célébrités, choquée par sa réaction de rejet, décide de ne plus mentir. Elle se met à écrire son autobiographie. Elle raconte l'histoire de ses frère et soeurs, de ses parents, marginaux, fantaisistes, amoureux des arts et des lettres, des sciences et de la liberté. Elle parle de ce père qui rêve de se construire une maison de verre dans le désert et qui se noit dans l'alcool. Fuyant la misère, des phantasmes paranoïaques et de multiples créanciers, la famille Walls a parcouru l'Amérique, connaissant dès le plus jeune âge le froid, le danger et la faim, mais aussi la soif de s'en sortir.

heart J'ai abordé ce livre avec un esprit dubitatif. En quoi l'enfance d'une chroniqueuse New-Yorkaise allait-elle m'intéresser ? Il est écrit en prologue que Jeannette Walls, l'auteure, craignait que ce récit détruise sa carrière, oui, et bien, que m'importait ? Et puis, voilà, je me suis fait prendre comme une débutante, par les sentiments.
La lectrice que je suis a oscillé constamment au fil des pages entre le désir de prendre ce texte pour un roman et le rappel constant de la réalité des faits. Je suis ressortie de cette lecture bouleversée, admirative devant la capacité de ces enfants malmenés à réagir, et avec le sentiment d'en avoir peut-être appris un peu plus sur l'esprit humain et ses travers.

Un extrait...
"J'étais en feu. C'est mon premier souvenir. J'avais trois ans et nous vivions sur un terrain de caravaning, dans une ville du sud de l'Arizona dont je n'ai jamais su le nom. J'étais juchée sur une chaise devant le fourneau et portais une robe rose que ma grand-mère m'avait achetée. Le rose était ma couleur préférée. La jupe de la robe bouffait comme un tutu et j'adorais virevolter devant la glace en me disant que je ressemblais à une ballerine. Seulement, là, debout dans ma robe rose, je surveillais la cuisson des saucisses ; je les regardais gonfler et danser dans l'eau bouillante sous les rayons du soleil de fin de matinée qui filtraient par la fenêtre du minuscule coin cuisine de la caravane."

bouton3 Note de lecture : 5/5

Un livre lu dans le cadre du grand prix des lectrices de BOOKPAGES 2009
Catégorie Document

ISBN 978-2-221-09938-4 - 20€ - 01/2008

Gambadou a été gênée par l'aspect "voyeur" du récit

Publicité
31 août 2008

Des papillons sous la pluie, Mira Maguen

despapillonssouslapluie

Adam attend depuis vingt-cinq ans un signe de celle qui l'a abandonné alors qu'il n'avait que dix ans, sa mère.
Depuis, il garde toujours dans sa poche un petit papillon coloré, identique à ceux qu'elle vendait dans la rue, le petit garçon qu'il était à ses côtés. Devenu médecin généraliste, élevé avec amour par sa grand-mère Mama Ruth, Adam Ouria a une vie bien remplie, des patients, une femme qui l'aime à ses côtés, des amis... Pourtant, lorsqu'un jour le téléphone sonne et que la voix rauque d'Eva résonne à l'autre bout du fil, proposant une rencontre trois jours après, les angoisses et les défaillances se ravivent...

Ne tergiversons pas, j'ai beaucoup aimé ce roman dont l'intrigue se déroule comme une belle pelote de laine, traînant derrière elle les poussières d'une vie pas si limpide.
Nous suivons pendant trois jours les pensées de cet homme, vivant dans une ville d'Israël moderne, exempte apparemment - et étrangement - de conflits et de guerres.
Adam Ouria est un adulte en questionnement, un adulte dont l'enfance colle à ses faits et gestes, à ses doutes, à ses envies, à ses rapports avec sa famille, avec ses cousins.
Adam va revoir sa mère, bientôt, et toute sa vie prend une dimension différente, des rencontres ont lieu, des attentes, et peut-être aussi des folies...

Le tout début du roman...
"Les boucles d'oreilles violettes. Leur éclat diffus et tremblotant. Si elle les portait encore, il la reconnaîtrait tout de suite. Simples, translucides comme des gouttes de pluie sur un iris. Le souffleur de verre qui les lui avait fabriquées avait juré que jamais pièce plus lisse n'était sortie d'entre ses mains.
Elle serait là dans trois jours. N'avait indiqué ni son numéro de vol, ni d'où elle venait. "Allô, c'est Eva, ta mère."

bouton3 Note de lecture : 4/5

Un livre lu dans le cadre du grand prix des lectrices de BOOKPAGES 2009
Catégorie Romans

ISBN 978-2-7152-2836-8 - 25€ - 02/2008

24 août 2008

Les années, Annie Ernaux

LES_ANNEES"Au travers de photos et de souvenirs laissés par les évènements, les mots et les choses, Annie Ernaux donne à ressentir le passage des années, de l'après-guerre à aujourd'hui. En même temps, elle inscrit l'existence dans une forme nouvelle d'autobiographie, impersonnelle et collective." (extrait de quatrième de couverture)

heart Voici peut-être le travail d'une vie, le résultat de notes amoncelées au fil des années, la réalisation d'un projet qui semblerait gargantuesque à n'importe qui et un récit qu'Annie Ernaux nous livre ici pourtant sans faute de rythme, comme un cadeau, d'une douceur et d'une légèreté surprenante. Le "nous" devient "on", nous englobe, et le "je" est mis en retrait dans un "elle" derrière lequel on devine aisément l'auteure, dont on connaissait déjà des fragments de vie (ici et ici aussi). Des années 50 à nos jours, Annie Ernaux parle d'elle, de son histoire personnelle, de ses parents, de ses enfants, de ses amants, et du monde, un monde vu par le petit bout de la lorgnette, mais un monde réel dans lequel nous avons vécu nous aussi. On se dit sans cesse, au fil de notre lecture "Ah oui c'est vrai", et on se surprend à sourire de nos paroles, à se souvenir des objets à présent délaissés du quotidien, à adhérer (ou pas) aux réflexions de la romancière sur les évènements de l'actualité. Un exercice de style magistral, un défi relevé avec talent et un moment de lecture dont j'aimerais goûter la saveur plus souvent !!!

"Elle voudrait réunir ces multiples images d'elle, séparées, désacordées, par le fil d'un récit, celui de son existence, depuis sa naissance pendant la Seconde Guerre mondiale jusqu'à aujourd'hui. Une existence singulière donc mais fondue aussi dans le mouvement d'une génération."

"La forme de son livre ne peut donc surgir que d'une immersion dans les images de sa mémoire pour détailler les signes spécifiques de l'époque, l'année, plus ou moins certaine, dans laquelle elles se situent - les raccorder de proche en proche à d'autres, s'efforcer de réentendre les paroles des gens, les commentaires sur les évènements et les objets, prélevés dans la masse des discours flottants, cette rumeur qui apporte sans relâche les formulations incessantes de ce que nous sommes et devons être, penser, croire, craindre, espérer. Ce que ce monde a imprimé en elle et ses contemporains, elle s'en servira pour reconstituer un temps commun, celui qui a glissé d'il y a si longtemps à aujourd'hui - pour, en retrouvant la mémoire de la mémoire collective dans une mémoire individuelle, rendre la dimension vécue de l'Histoire."

bouton3 Note de lecture : 5/5

ISBN 978 2 07 077922 2 - 17€ - Mars 2008

Une lecture intéressante chez Le blog des livres, celle de Cathulu

L'article de C Sauvage pour LivresHebdo

Et un grand merci à ma perspicace prêteuse !!

21 juillet 2008

Je suis en bois, Giulia Carcasi

je_suis_en_bois"Un gouffre d'incompréhension sépare Giulia de Mia, sa fille de dix-huit ans. Chacune triche, joue un rôle, et tait l'essentiel.
La lecture du journal intime de Mia replonge sa mère dans le passé. Elle lui confie alors par lettres ce qu'elle ne lui avait jamais dit. Dans les secrets des générations passées, c'est sa propre histoire que découvre la jeune fille." (quatrième de couverture)

...ainsi est présentée l'intrigue de Je suis en bois, et l'histoire commence effectivement abruptement, par une transgression d'intimité (une mère lit le journal de sa fille pour mieux la comprendre). Pourtant, je n'ai pas senti, à la lecture du roman, les barrières des genres (lettres, journal intime). Les paragraphes s'écoulent, chaque récit se déroule en monologue faisant presque par mégarde écho à l'autre.
A la fin du récit seulement, on se rend compte que les deux voix tenaient une conversation, que Giulia parlait à Mia, et inversement, qu'elles se racontaient leur génération dans une Italie changée.

Que vous dire ? Simplement, que ce livre est beau, qu'il parle avec beaucoup de grâce et de pudeur de la relation mère-fille. Qu'il est par instants même, presque parfait sur le fil de l'émotion. Puis, par endroits, ici et là, peut-être un peu maladroit (l'auteure n'avait que vingt trois ans quand son récit a été publié). Je suis restée bluffée par la capacité de cette jeune écrivain à exprimer les émotions d'une femme vieillissante, avec autant de justesse...

Un livre qui vous donnera des frissons de tendresse, et dont le récit suit le fil d'un été. N'est-ce pas le mélange idéal pour glisser ce joli roman dans vos bagages ?

Un extrait (le tout début du livre)...
"Cette histoire commence un dimanche et ne pouvait commencer aucun autre jour.
Pour toi, le dimanche est un résidu de la semaine, pour moi c'est une tzigane qui fouille les emballages et les vieux chiffons, qui cherche des trucs encore bons dans ce qui a été jeté.
Je crois que les meilleures propositions se font le dimanche.
Je crois que la guerre finit le dimanche.
Je crois qu'Ulysse est rentré un dimanche, après la danse des vagues, il est rentré à la maison comme toi du rentres, après la danse des vagues, tous les dimanches.
Pour Pénélope le bruit du retour était le contact du bois rugueux sur les rochers du port. Et l'odeur du retour était celle du sel.
Pour une mère le bruit du retour est trois tours de clé, la clenche, la porte qui s'ouvre et se referme. Et l'odeur du retour n'est pas celle du sel, non, c'est un parfum masculin que tu t'es mis dans les cheveux, un parfum que tu changes chaque semaine."

ISBN 978-2-35087-076-2 - 19€ - Avril 2008

bouton3 Note de lecture : 4.5/5

La lecture de Cathulu et de Cuné (conquises)

9 juillet 2008

Une chambre à soi, Virginia Woolf

UNE_CHAMBRE_A_SOI

Interrogée par des étudiantes de Cambridge sur le sujet suivant, "la femme et le roman", Virginia Woolf tente dans ce pamphlet de répondre à leur attente et laisse s'exprimer son irritation et ses convictions sur le sujet, tout en revenant sur l'histoire féminine de la littérature...

Elle explique ainsi comment les femmes ont été depuis toujours dans l'incapacité d'exprimer un quelconque génie, placées qu'elles étaient sous l'emprise financière et intellectuelle des hommes, et privées de l'essentiel, c'est à dire de quoi vivre, du temps et une "chambre à soi".

Je voulais lire des écrits de Virginia Woolf depuis cette rencontre avec Arnaud Cathrine et Geneviève Brisac durant laquelle avaient été lus des extraits de son journal, et plus particulièrement cet écrit là.
Voilà qui est fait, et je suis heureuse d'avoir partagé pendant quelques pages le fil des pensées de cette auteure.
Toute mesure gardée, sa démonstration rencontre mes propres réflexions du moment. Comment écrire au milieu du salon et des enfants (apparemment Jane Austen y réussissait très bien), sans temps pour le faire et sans une solitude parfois nécessaire pour rêver un peu ?

Un extrait...
" Mais, ce qui me semble déplorable, continuai-je, regardant de nouveau du côté des rayons, c'est qu'on ne sache rien qui concerne les femmes avant le XVIIIè siècle. Rien ne permet de savoir si je dois m'adresser ici ou là. Me voici en train de me demander pourquoi, à l'époque élisabéthaine, les femmes n'écrivaient pas de poésie et je ne suis pas seulement sûre de la façon dont elles étaient élevées. Leur apprenait-on à écrire ? Avaient-elles un salon personnel ? Combien de femmes avaient-elles des enfants avant leur vingt et unième année ? En un mot, que faisaient-elles de huit heures du matin à huit heures du soir ?"

Virginia Woolf est née à Londres le 25 janvier 1882 - Victime de dépression chronique, elle met fin à ses jours le 28 mars 1941. Elle laisse des romans, des nouvelles, des essais et un Journal qui paraît après sa mort.

Publicité
23 juin 2008

Lettres à Lou Andreas-Salomé, Rilke

lettres___lou"Au milieu du mois de mai 1897, René Maria Rilke rencontre Lou Andreas-Salomé à Munich. Il a vingt et un ans, elle en a trente-six. Rencontre déterminante : quelque temps plus tard, le poète abandonne son prénom pour celui de Rainer, signant là comme une seconde naissance.Car si Lou est l'amante [..] elle est surtout la mère nourricière et libératrice, intimement convaincue de la vocation de celui qu'elle qualifie d'"élu du destin". [...] Au printemps 1900, lors de leur deuxième voyage en Russie, Lou, éperdument avide de liberté, s'éloigne du poète tout en le conjurant de ne pas succomber au pathologique et de progresser seul vers la maturité de son art.
Désormais, elle ne sera plus la femme à laquelle il s'en remet - bien d'autres femmes l'inspirèrent -, mais elle restera la seule référence dans son existence, l'amie, la confidente. Leur correspondance - commencée dès leur première rencontre - reprend trois ans plus tard et ne cessera qu'à la mort de Rilke, le 29 décembre 1926." (extrait du dossier en fin d'ouvrage intitulé Lou et la naissance du poète)

Toujours à la recherche de Rilke, suite à ma lecture des Lettres à un jeune poète, je me suis penchée sur ces lettres là, très différentes.
Rilke n'a plus ici le rôle du maître qui donne conseils et règles d'écriture. Il n'est qu'un auteur à la recherche de son art, qui demande son avis à une amie, seule capable de le "comprendre" et d'écouter ses souffrances, doutes et hésitations.
Du lyrisme des premières lettres, enflammées, nous passons à des propos plus sombres, plus anxieux, ceux d'un auteur en proie à un état poétique déstabilisant, habité par le poids des années et par des questionnements constants.

Proche de Nietzsche, puis de Freud, Lou est pour Rilke l'interlocutrice idéale, intelligente et sensible, attentive, qui permet au poète d'accoucher de son oeuvre.
Ce recueil m'a moins touché que le précédent mais il permet d'apréhender Rilke de manière plus intime et plus réelle aussi.

Un extrait...
"Tu es mon jour de fête. Et quand je te visite en rêve, j'ai toujours des fleurs dans mes cheveux.
Je voudrais mettre des fleurs dans tes cheveux. Lesquelles ? Aucune n'est d'une simplicité suffisamment touchante. En quel mois de mai les trouver ? - Maintenant, je crois que tu as toujours une guirlande dans tes cheveux - ou une couronne...je ne t'ai jamais vue autrement."

14 juin 2008

On dirait une ville, Françoise Collin

on_dirait_une_ville

Françoise Collin est philosophe, et navigue entre écriture et engagement féministe.
Elle vit aujourd'hui à Paris, ville qui l'a inspirée pour cet ouvrage poétique...

Par petites touches impressionistes, elle nous guide ici à sa suite dans une vie qui se cherche et parfois se trouve, au hasard des jours, des rencontres et des instants volés à la lumière de l'été (voir "chronique d'un été").

Dès les premières phrases de On dirait une ville, j'ai entendu une voix, j'ai imaginé les mots de l'auteur exprimés sur une scène... Est-ce la preuve d'une grande qualité d'écriture ? Je n'en sais réellement rien. C'est il me semble pour le moins la preuve d'une lecture très agréable.

Dans la prose de Françoise Collin, il y a donc de la poésie mais aussi de la matière orale, théâtrale, et cela est très doux à imaginer, et à lire.
Des personnages de toutes sortes entrent et sortent sur la scène de ses écrits et nous les regardons naviguer, nous donner quelques leçons de vie, furtives, puis disparaître en fin de page...

Il faut bien le dire, on a envie d'attraper son crayon et de noter quelques passages, pour le souvenir, pour les partager plus tard...et on se dit que c'est bête, autant garder le livre sous la main.

Des extraits, brefs, pour en attraper un peu le son, vous aussi...

"route à suivre dit un panneau fléché au bout de la piste sur le vide
.
on dirait une ville, c'est un cimetière. On dirait un chant et c'est la dernière note d'un soupir. On dirait une montagne, c'est un mirage
.
celui qui faisait tinter les clés du monde s'en est allé, l'oreille sourde. Les laboureurs de sables ont pris la fuite abandonnant leur moisson de gris"

"c'est sur l'autre façade que tape le soleil, sur l'autre rive que quelqu'un se lève, en d'autres temps que se noue le récit, en d'autres cieux que courent les nuages"

"femme assise à son miroir
femme assise à son écran

une vie de queue de cerise"

bouton3  Note de lecture : 4/5

Le site de l'éditeur : www.desfemmes.fr
Un entretien pour connaître mieux Françoise Collin et son engagement féministe

Je suis ravie, encore une fois, d'avoir reçu ce livre dans le cadre de l'opération "Masse critique"

livres, critiques citations et bibliothèques en ligne sur Babelio.com

11 juin 2008

Big Bang, Neil Smith

big_bangLes personnages des nouvelles de ce recueil se tiennent en équilibre entre le rire et le désespoir, comme des galaxies qui oscilleraient entre l'expansion et l'effondrement. Cette tension qui les retient fait ressortir des liens et des noeuds, sauve des vies et anime les objets. Les Huits récits de ce recueil rendent hommage à la beauté de la complexité humaine [...] (extrait de la quatrième de couverture)

Je ne me suis pas méfiée, j'ai commencé ce livre tout tranquillement, et voilà que l'on me propulse au beau milieu d'un service de néonatologie, alors - même si petit Théo est devenu grand depuis - ma lecture s'est tout à coup logée au niveau des tripes et n'a plus lâché cet endroit jusqu'à la fin, ou presque.

Neil Smith ne nous ménage pas - ce n'est pas le but - ni avec ses mots (quelques injures verbales distribuées ici et là), ni avec ses histoires (du lourd, du mortel, du difficile à vivre, et puis c'est tout), et ça marche, c'est efficace et terriblement humain, émouvant.

Une femme, qui a décidé de faire un enfant "toute seule", accouche prématurément. Un jeune garçon, qui vient de perdre son père, se pose des questions sur les sentiments qui le lient à son ami. Des malades, atteints de tumeurs, se vengent d'un escroc. Une petite fille, victime d'une maladie rare, voit défiler sa vie à toute vitesse en avant, puis à reculons. Un couple d'étudiants tente de continuer à vivre après une fusillade. Etc...

Toutes ces nouvelles sont excellentes, vous l'aurez compris (surréalistes, loufoques et profondes aussi) mis à part la dernière qui m'a laissé perplexe
: l'auteur se loge dans la peau d'une paire de gants et nous raconte ses états-d'âme (?!).
L'humour est inscrit dans chaque texte, un humour un peu grinçant, mais bien présent.
Voici donc un  cocktail de nouvelles, ébouriffant, qui mérite bien son titre de "Big Bang"...je vous engage à y jeter un oeil à l'occasion, il vous séduira sans doute !!

Un extrait...
"Jacob est assis sur une chaise en plastique dans une chambre privée au bout du couloir qui mène à l'USIN. Il berce B, emmaillotée dans une minuscule courtepointe aux carreaux verts et jaunes. On ne voit que le visage de la petite. Sans le tube, elle a la bouche en bouton de rose de Jacob. Il chante. Doucement, lentement, comme si la chanson, qui porte sur le mot le plus long du monde, était une berceuse. An l'a choisi comme père en se disant qu'il ne s'attacherait pas. Le voici pourtant - en train de bercer sa fille et de fredonner pour elle. An s'assoit sur le lit à côté de lui. Elle palpe la courtepointe. L'hôpital l'offre en souvenir aux parents : une courtepointe, une mèche de cheveux et une empreinte des pieds de leur bébé mort. Elle se demande si, sous la courtepointe, les pieds de B sont déjà noircis par l'encre.
- Tu veux la prendre ? demande Jacob.
Elle se contente de toucher la tête de B, le tissu mou où l'on sent le pouls d'un bébé, mais où elle même ne sent rien du tout. Jacob recommence à chanter d'une voix audible. An fixe B blottie dans les bras de l'homme. Dans la salle d'accouchement, se souvient An, la petite avait repoussé tout le monde. Au bout d'un moment, elle dit :
- Je ne t'aime pas.
Elle attend la réplique habituelle de Jacob : "Moi aussi je ne t'aime pas." Mais alors, il lève sur elle un visage qui a la couleur de la cendre. Il a compris ce qu'elle voulait dire.
- Pourquoi ? demande-t-il, l'air peiné et perplexe.
- Mais je l'aimais bien, elle, dit An sur un ton presque suppliant. Je l'aimais bien à mort.
Jacob commence à pleurer sans bruit. Lorsqu'il a terminé, il murmure :
- C'est déjà quelque chose.
Et An, les bras serrés sur la poitrine, comme pour éviter de voler en éclats, espère qu'il a raison."

bouton3 Note de lecture : 4.5/5

La lecture de Lily

7 juin 2008

Le pianiste de Trieste, Aliette Armel

le_pianiste_de_triesteAnne, passionnée de musique, et à la tête d'une émission sur France Culture, se prépare à quitter la France pour la Palestine en compagnie de son amant Nicola, chanteur italien que son engagement conduit dans ce pays. Mais contre toute attente, ce dernier la quitte brutalement à la veille du départ, et lui suggère plutôt de se rendre en Bretagne, retrouver la maison de son enfance, qu'elle délaisse depuis des années. "Tu as une autre route à prendre : suis le cours de tes larmes jusqu'à la mer..." Effondrée, Anne obtempère malgré ses réticences, et retrouve le lieu où son père naturel, Guido Turatti, célèbre pianiste est décédé en 1946.
Renouant avec ses souvenirs, avec ses anciens amis, avec son passé, et avec cette figure paternelle à la fois proche, écrasante et mythique, qu'elle porte comme un fardeau, elle découvre finalement être également aux centre d'enjeux qui la dépasse.
Une partition originale de l'artiste dont tout le monde a perdu la trace attend quelque part qu'Anne la déniche...

Il y a de très beaux moments dans ce roman qui a le mérite de nouer intrigue, musique et héritage émotionnel. On se passionne pour la quête d'Anne, pour son histoire, pour la vie des personnages qui l'entourent, pour ce petit coin de Bretagne où la simplicité apparente des êtres cache des complexités plus profondes (on s'en doutait un peu). Ma lecture s'est, par instants, un peu emmêlée dans des digressions musicales que les mélomanes avertis vont sans doute grandement apprécier mais que je n'ai pu apréhender à leur juste valeur, faute de savoir adéquat (ce qui est un peu dommage).
Malgré cela, je conserve de ce livre, une fois les pages refermées, une impression de douceur indéniable qu'il serait dommage de ne pas goûter à votre tour !!

Un extrait (début du roman)...
"Parfois, j'ai peur de la musique, de toutes les musiques. Pas seulement des chansons de Nicola ou du piano de Guido Turatti. De tout ce qui résonne, à l'intérieur comme à l'extérieur de mon appartement. Le silence m'opresse, le moindre bruit m'agresse : le chant des oiseaux, le vrombissement d'une voiture manoeuvrant sous mes fenêtres, le martèlement rythmé des canalisations d'eau ou le calme bruissement d'une conversation entre deux passants. Tout me fait mal. Mon mal-être me fait honte, et plus encore mon impuissance à me lever : si j'allais jusqu'à ma chaîne stéréo pour dresser Schubert, Marianne Faithfull ou les chants du Radjasthan contre le vide, je resterais étrangère à leurs appels vers l'apaisement ou la révolte, la simplicité ou la grandeur, et mon incapacité à entrer avec eux dans l'enchantement ou le chaos du monde renforcerait cette souffrance intérieure qui me met hors d'atteinte, me sépare de tout, même de la musique. Je ne suis plus que rupture et déchirement. Encore une fois abandonnée.
Nicola est parti et m'a interdit de le rejoindre."

bouton3 Note de lecture : 3.5/5

Le blog de Aliette Armel, qui semble tout récent.

J'ai acheté ce roman ce jour-là après l'avoir noté chez Clarabel

21 mai 2008

La Dame blanche, Christian Bobin

LADAMEBLANCHEChristian Bobin nous conte ici l'histoire d'Emily Dickinson, célèbre poétesse américaine.
Née
en 1830 dans une petite bourgade nommée Amherst, au nord-est des Etats-Unis, et recluse dans la "maison de son père", cette jeune fille sensible trouve refuge dans l'écriture. Ses poèmes n'auront quasiment pour seul public que l'auteure elle-même. La poétesse n'a, en effet, rencontré le succès qu'après sa mort. Ne quittant jamais sa demeure, elle y écrit en permanence. Ses relations amoureuses sont épistolaires. Durant toute sa vie, cette femme, habillée toujours de blanc, noircit des pages, obsédée par la peur du vide. Très tourmentée intérieurement, Emily Dickinson doit également supporter les nombreux décès consécutifs qui se produisent dans sa famille. Elle décède elle-même en 1886.

Il fallait bien s'en douter- puisqu'il s'agit de Christian Bobin - que cette histoire ne nous serait pas racontée chronologiquement, froidement, comme une biographie ordinaire. D'ailleurs, l'éditeur de la collection "L'un et l'autre" dans lequel ce titre s'inscrit nous prévient : "Des vies, mais telles que la mémoire les invente, que notre imagination les recrée, qu'une passion les anime. Des récits subjectifs, à mille lieues de la biographie traditionnelle."
Par petites touches infimes,gracieuses et colorées, le "conteur" d'Emily Dickinson nous parle au coeur et à l'âme, directement, mélangeant les époques et les points de vue.
J'ai aimé cette rencontre avec une poétesse dont je ne connaissais rien... Ce n'est sans doute pas l'écrit de Christian Bobin dont je conserverai le meilleur souvenir mais le plaisir de lire son écriture est là, intact, et cela fait du bien. A découvrir !

Un extrait (tous les chapitres contiennent des phrases à citer ! Difficile de choisir...) :
"Le monde est plein et froid comme un galet. Un éclair fracasse le galet et en délivre l'âme : Emily voit une chaise vide au milieu des flammes de l'enfer. Elle écrit au ras de ce qu'elle voit.

Elle peut griffonner un poème sur l'enveloppe du chocolat dont elle se sert pour faire un gâteau, comme elle peut écrire dans la remise fraîche et calme où elle écrème le lait. Elle s'y prend à plusieurs fois, multiplie les brouillons, ne ménage pas sa peine. Il faut que tout soit sur la page comme le contraire d'un orphelinat : que plus personne ne soit abandonné."

EmilyDickinsonbouton3 Note de lecture : 4/5

Lire aussi l'excellent billet de Katell

La page MySpace de Christian Bobin

Publicité
<< < 10 11 12 13 14 15 16 17 18 > >>
Les lectures d'Antigone ...
Publicité
Les lectures d'Antigone ...
  • "Tu vois, moi, j'ai des passions, les livres, ça me sauve... J'ai traversé mes temps morts avec des gens qui ont oeuvré pour ça, ceux qui ont écrit... J'ai le livre en main et c'est du carburant pour ma vie à moi..." Jeanne Benameur
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Visiteurs
Depuis la création 694 853
Derniers commentaires
Publicité