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Les lectures d'Antigone ...
Ardoise magique

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Ben oui, à mon tour, j'ai craqué !

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15 décembre 2007

Une lettre intime

Alors qu’un café brûlant fume doucement sur ma table, je vous écris, crayon levé, une lettre impossible, des mots  intimes, inutiles et silencieux…

Je voudrais tant vous parler des gouttes de pluie, tôt le matin, sur mon pare-brise, des essuie-glaces et de leur danse, bruyante et saccadée. Vous dire le plastique familier du volant, sous mes doigts, sa texture et le son de la radio, jumelés. Vous parler, enfin, de l’entrechat de mes pieds, de cette vigilance constante, et du panneau vers l’Océan, que je ne suivrai jamais.

Je voudrais vous dire, aussi, les livres, l’écriture, et cette encre dans mon crayon levé, asséchée, ce sentiment d’imposture qui paralyse mes doigts, et me fait douter. Vous parler d’eux, peut-être, au détour d’une phrase, de mon père, de l’absence, et de ce que je ne suis pas.

Je voudrais écrire ces mots qui parleraient d’un été qui n’en finit plus de ne pas commencer, de ces nuits trop sombres, et de la lumière de câlins d’enfants, comme des réverbères. Vous dire l’amour, celui que l’on donne et que l’on reprend, celui qui ne s’exprime pas. Vous dire les cris aussi, la fureur et la jalousie, la difficulté d’être douce. Comprendre, par votre lecture, ces chemins que je ne prends pas et ceux, inconnus, que je devrais prendre.

Je voudrais vous décrire tendrement, avec des lettres rondes et ourlées, le goût du café, chaud et voluptueux, qui coule dans ma gorge, à cet instant, et le plaisir retrouvé, mêlé de soulagement, de la course de l’encre sur le papier.

lettreintime

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26 décembre 2007

La vie, mutine

La vie brouille les pistes de mon écriture.

Elle la bouscule, la chahute,

Irrémédiablement…

crayon

La vie s'insinue dans le blanc de mes phrases,

Vient me prendre par la main,

M'emprunte mon crayon.

La vie a un joli rire, bruyant,

Elle a le regard fragile

Et les doigts blagueurs.

La vie fait soleil, ou bien pluie.

Elle fait ce qui lui chante.

Elle n'a plus de saisons.

La vie ne comprend pas toujours

Le besoin de silence, la bulle

Epaisse, et dense, construite patiemment.

La vie sait m'attirer, m'amuser, m'éloigner…

Mais elle ne sait pas

Que je ne parle que d'elle

A longueur de mots,

Qu'elle est toute ma raison.

2 janvier 2008

Mon beau miroir

monbeaumiroir

Essaye de te concentrer.

Je ferme les yeux très forts, les mains sur l’émail froid du lavabo de la salle de bain. En face de moi, le miroir. Je ne le vois pas. Pour l’instant, les paupières closes, des lumières doucement orangées valsent devant mes yeux.

Ouvre-les à présent.

La clarté éblouissante de l’après-midi, tout ce blanc, m’aveugle un moment. Mon reflet dans le miroir n’a pas changé. Toujours ce visage que je ne reconnais pas, pourtant le mien, si éloigné du visage gracile et pâle dont je m’attends parfois à croiser le regard.

A l’intérieur, je suis belle.

J’ai quinze ans. Mon corps ne me ressemble pas. Combien d’années me faudra-t-il attendre encore pour que quelqu’un pose un regard tendre sur ma bouche, y dépose un baiser, caresse mes cheveux ?

La semaine dernière, une lointaine connaissance a dit à ma mère : « Vous avez vraiment une belle fille, Madame. » Cet homme-là ne parlait pas de moi... J’étais là, transparente, même pas laide, ordinaire.

A l’intérieur, je suis belle.

Qui le verra ?

8 janvier 2008

Amour

Soudain, elle ne sait plus où elle en est.

Soudain, celui qu’elle ne voyait pas, qui était près d’elle,

Depuis tout ce temps, si doux, si beau.

Soudain, elle le voit, enfin.

Et elle l’aime.

Mais rien n’est possible.

Ni les épanchements, ni les doutes.

Que le chaos, à la place d’un cœur qui saigne,

Pour rien.

.........................................

Parfois,

Elle cherche, dans les yeux de l’autre,

Au hasard d’un mouvement,

L’amour en retour.

N’y voit que du bleu.

Alors, doucement,

Elle étreint

Le bouton de rose de ce feu,

L’insère en elle,

Espérant le cacher.

Mais tout au fond de son corps,

L’amour explose.

La fleur rouge s’épanouit.

Les épines, dures, rayent ses organes,

S’accrochent aux artères.

S'incrustent.

.......................................

Alors,

Elle se cache,

Sous des draps et des couvertures.

Pleure.

Tente d’étouffer,

De faner,

Cet amour naissant

D’une beauté

Insolente,

... Inutile.

En vain.

(Deuxième mouture de ce texte, déjà posté sur mon ancien blog. Je le triture dans tous les sens et n'arrive pas à me satisfaire du résultat. Je n'arrive pas à le supprimer, non plus. Peut-être, une prochaine fois, en trouverez-vous une troisième mouture...)

31 décembre 2007

Les heureuses surprises de 2007

Avec le recul du temps, certaines lectures nous laissent des traces et d'autres, qui nous avaient tenues sur le moment, s'effacent...

heart Voici mes lectures fétiches de 2007, donc, celles qui me tiennent encore... (en cliquant sur les titres, vous retrouverez les commentaires publiés)

Le secret des abeilles  Sue Monk Kidd, Le Secret des abeilles

Un siècle de Novembre  WD, Wheterell, Un Siècle de Novembre

Un territoire fragile  Erci Fottorino, Un territoire fragile

Un heureux évènement  Eliette Abécassis, Un Heureux évènement

cochon d'allemand Knud Romer, Cochon d'allemand

Au nom de la mère Erri de Luca, Au nom de la mère

[L'ensemble des lectures "coups de coeur" de mon ancien blog]

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3 mars 2008

Réveil

Des draps blancs.
Froissés.
Tout à l’heure.
Ce baiser.
Avec violence.
Sur sa bouche.
Déposé.

femmesongeuse

Elle s’assied, sur le lit défait, les jambes croisées.

Du bout des doigts, elle caresse ses lèvres, cette bouche, qu’il a pressé encore une fois, avant de s’en aller.

Elle sourit. Le souvenir de ses mains dans ses cheveux, sur la peau de son cou, sur tout son corps.

Le souvenir, comme une brûlure.

Elle s’allonge, la tête dans l’oreiller. Au plafond, de longues fentes de plâtre craquelées la contemplent.

Elle sourit, et des larmes coulent sur ses joues, rigoles jumelles qui finissent dans le fouillis de ses cheveux roux.

Mais pourquoi pleure-t-elle ?

D’un geste, elle essuie ses tempes. Elle remonte le drap, s’y emmêle, le regard soudain vide, perdu.

La fenêtre est ouverte. Les rideaux roses flottent doucement dans l’air léger, donnant à cette chambre silencieuse une clarté irréelle, éphémère.

Il est parti. C’est ainsi.

Il ne reviendra plus.

15 janvier 2008

Les invités de l'île, Vonne Van der Meer

Résumé : Située sur une île, au large des côtes hollandaises, une maison nommée Duinroos (Rose des vents) accueille chaque année de nouveaux occupants, du mois de Mars à la fin de septembre. Les vacanciers se succèdent et leurs histoires, individuelles, défilent : un couple tente de réparer son amour, une jeune fille et une femme plus mûre confrontent leur désir de maternité, un veuf reprend goût à la vie, une famille évite le pire et trouve le meilleur, un couple se forme en en séparant un autre, une femme convalescente renoue avec elle-même et ses souvenirs... Près d'eux, une femme de ménage, une gardienne, les surveille, les bichonne, en secret, puis referme la porte, après leur passage, et ramène les coquillages sur la plage.

Avis d'Antigone : Ce roman est très agréable à lire, et a presque un air de recueil de nouvelles car à chaque passage, à chaque location, nous suivons des personnages différents, des histoires uniques. Les seuls liens entre ces habitants provisoires sont cette maison charmante, et un peu démodée, une maison de vacances, et l'ange gardien de ces lieux, cette femme de ménage qui jette un oeil sur la maison, comme sur un bien précieux, remet les objets et le livre d'or en place, puis s'efface . J'ai aimé lire ce doux roman qui laisse un goût délicieux de sel, de sable et de vent, un goût d'été presque hors saison.

Extrait (début du roman) : "Il est grand temps que je termine. S'ils ont pris le bateau de midi, ils peuvent être ici dans une demi-heure. Ca m'est arrivé une fois : en nage, contente de mon travail, je ferme la maison, glisse la clef sous le paillasson et les découvre là, plantés à côté d'une carriole de plage où trônent bagages et enfants, au bord du sentier de coquillages. La déception sur leurs visages. Depuis, je sais que je dois demeurer invisible. S'ils me croisent ici, la maison ne sera plus autant la leur, et s'ils ne s'approprient pas la maison, ils ne vont pas passer un bon séjour. Même s'ils savent qu'ils ne la louent que pour une semaine, deux semaines, voire même un mois, ils doivent pouvoir se figurer qu'elle est à eux. Si c'était moi la locataire, cela irait tout seul. De toutes les maisons où j'ai fait le ménage, Duinroos est celle que je préfère. Torenzicht, Kiekendief, Jojanneke et d'Instuif, je m'en suis débarassée au fil des années. De belles maisons, je ne dis pas, où l'on a posé du carrelage et du lino, bien plus faciles d'entretien que Duinroos, mais ça faisait trop, il a fallu que je choisisse."

Le bel article de Papillon

J'ai noté cette lecture chez Bellesahi et en plus, chouette, il y a une suite !!

20 janvier 2008

Pitiés, Philippe Raulet

Hier au soir, je suis allée ici, au Grand R, à une soirée "hommage" à Philippe Raulet, décédé le 22 mai 2006.

      

(fiche auteur sur le site Verticales)

La soirée a commencé avec une conversation entre Dominique Bondu (un des fondateurs du site remue.net) et Gérard Potier (acteur et conteur né en Vendée), au sujet de la personnalité de cet auteur, que je ne connaissais pas, et dont la vie tournait autour de l'écriture, et de la liberté de l'écriture (beaucoup d'éléments à retenir et de conseils à suivre...).

Puis, elle s'est enchaînée avec la lecture complète de Pitiés, édité aux éditions Verticales en 2003, lecture effectuée par quatre acteurs/lecteurs.

Début du roman : "Une femme rêvait de voir la mer, pas n'importe où, et c'est le drame, ou presque, on va comprendre

elle est mariée, ils manquent d'argent, ça se paie cher, pitié, c'est déjà commencé

à cette heure-ci on ne trouvera chez eux que l'homme, prénom Louis, assis en bout de table et immobile - le temps peut s'égoutter - on croit voir une image

cuisine peinte en jaune, murs et plafond que barre un long néon, mais éteint pour l'instant, l'après-midi débute à peine..."

L'histoire : Une famille, modeste, deux enfants adolescents, un désir de voyage, une affiche sur le frigo, un désir de mer de la mère, de la désespérance, du désir d'ailleurs, de l'amour, de l'espoir...

Je vous l'avoue d'emblée, je ne suis pas restée jusqu'à la fin de la lecture, pourtant elle était de qualité et le texte de Pitiés est intéressant (je pense que je vais le lire), très théâtral finalement...mais la soirée avait commencé à 18h et se terminait à 23h30... Malgré les pauses, c'était un peu long pour moi, et je m'étais levée bien tôt (les enfants !) et la journée avait été fatigante (euh, encore les enfants...!).

En bref, voici un auteur, peu connu, dont l'écriture est à découvrir !

24 janvier 2008

Badenheim 1939, Aharon Appelfeld

  heart

L'histoire (quatrième de couverture) : "A badenheim, l'été est un moment de transition : les ombres de la forêt battent en retraite, la lumière se répand d'une place à l'autre et les rues s'animent en prévision de la saison estivale. Mais en cette année 1939, tandis que les premiers vacanciers déposent leurs bagages à l'hôtel, que Papenheim et son orchestre arrivent pour le festival de musique, que Sally et Gertie, les prostituées locales, flânent dans l'avenue, deux inspecteurs du service sanitaire passent devant la patisserie couverte de fleurs. [...] Ainsi commence ce récit d'une sinistre métamorphose : celle d'une station thermale fréquentée par la bourgeoisie juive en antichambre de la "délocalisation" vers la Pologne."

Avis d'Antigone : Ce roman est un chef d'oeuvre !

Dès le départ, en quatrième de couverture, l'éditeur compare l'auteur à Kafka, comparaison que je ne comprenais pas au début de ma lecture, comparaison que j'ai mieux comprise alors que la transformation de la station balnéaire se met en place et que les acteurs de ce "drame" se rendent compte du piège dans lequel ils sont enfermés.

Plusieurs éléments se métamorphosent tranquillement jusqu'à donner au lecteur un sentiment de malaise attentif. Il y a notamment l'existence de ce service sanitaire, discret puis tentateur, vantant tout d'abord un voyage salvateur vers la pologne, puis obligeant chaque juif à s'inscrire sur ses registres. Et ce festival qui bat son plein, engourdissant les consciences, tandis que les estivants se gavent de patisseries et flânent au bord de la piscine, et qui se termine en pagaille désorganisée.

La ville est fermée, devient un ghetto, l'étau se resserre. L'intrigue avance doucement, sûrement, inconsciemment, inexorablement vers un wagon à bestiaux sale qui mènera certainement "où l'on sait". Et cette phrase terrible du Dr Papenheim : "Si les wagons sont aussi sales, c'est signe que nous n'irons pas loin."

Je vous recommande cette lecture, chaudement ! Doucement ennivrant, puis terriblement angoissant, ce roman là ne vous laissera certainement pas indifférent.

Extrait (début du roman) :   "Le printemps était de retour à Badenheim. On entendait carillonner les cloches de l'église du village proche de la ville. Les ombres de la forêt battaient en retraite. Le soleil dispersait les vestiges de l'obscurité et sa lumière se répandait dans la grand-rue, d'une place à l'autre. C'était un moment de transition. Les estivants se préparaient à envahir la station. Deux inspecteurs passèrent dans la ruelle pour contrôler le bon foctionnement des canalisations. La ville dont la population s'était beaucoup renouvelée au fil des ans conservait sa beauté, une beauté discrète."

La lecture de Clarabel

27 janvier 2008

La passion selon Juette, Clara Dupont-Monod

juette heart

L'histoire : Juette est née au XIIème siècle, à Huy, une petite ville de l'actuelle Belgique. Elle est une enfant solitaire et rêveuse, que les travaux de couture n'intéresse pas, et qui se raconte des histoires de chevaliers et de belles dames en robes blanches. Son seul ami et confident est Hugues de Floreffe, un prêtre. Il l'écoute, tente de répondre à ses interrogations de jeune fille et reste sous le charme de cette vive intelligence, pure et différente. Pour faire taire cette enfant insoumise, ses riches parents la marie dès 13 ans, à un homme de leur condition. Juette vit ce mariage comme un viol quotidien de son être. Elle sera mère, puis veuve, cinq ans plus tard. Juette deviendra alors cette femme qui dit non, au mariage, aux hommes, au clergé corrompu.

Mon avis :  Je ne savais pas si cette histoire me plairait. Je ne suis pas très friande, d'ordinaire, des romans historiques et voilà que je me suis laissée happer par ce roman, à deux voix (celle de Juette puis celle de Hugues, alternativement) et par ce personnage, on ne peut plus extraordinaire, qui a de grandes ressemblances avec le personnage d'Antigone (interprétation toute personnelle). Ce roman là est moderne par son ton, très fort par l'intensité des émotions ressenties, très empreint de liberté. Dans un contexte historique compliqué, alors que l'église "des gros ventres" assoie par la violence sa suprématie face aux idées nouvelles des Cathares, cette jeune fille insoumise sait trouver une force singulière dans sa foi et imposer le respect. Une lecture à ne pas râter !

Extrait : "C'est l'histoire du chevalier à la Rose..." Je la récite en caressant les pierres. Mes histoires sont revenues. Elles sont intactes. Majesté des mots, plus grands que l'obscurité. Je n'ai pas besoin de bibliothèque. Mes histoires attendaient, simplement. Il ne faut pas être inquiet. Les choses qu'on aime finissent toujours par nous appartenir. J'espère qu'Hugues le sait."

Les lectures de Clarabel, Valérianne, Gambadou, Florinette

Une vidéo

 

28 janvier 2008

Jean Anouilh, la fin du purgatoire ?

Tel est le titre de l'article que Le magazine des Livres consacre à l'auteur d'Antigone, ce mois-ci.

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J'aime particulièrement cet auteur de Théâtre, qui n'a pas écrit que la pièce "Antigone" ou "Le Voyageur sans bagages", beaucoup étudiés. Considéré comme un auteur de Boulevard, il a souvent été méprisé. Il n'est sans doute aujourd'hui pas assez joué, et trop méconnu. Cet article atteste-t-il d'un retour en grace qui coïnciderait avec la sortie de ses oeuvres en Pléiade ? Je le souhaite car j'ai pour ma part souvent beaucoup ri, et été émue, en lisant ses pièces, et son théâtre recelle des trésors de répliques, oubliées.

Il a classé de son vivant ses pièces par thèmes : quatre pièces grinçantes, quatre pièces noires, quatre pièces roses, quatre pièces brillantes, trois pièces costumées. On ne trouve aujourd'hui que quelques titres disponibles et encore édités, chez Folio ou dans les éditions de la Table Ronde. Il faut fouiller les étals des bouquinistes pour avoir le bonheur de trouver ses autres pièces...

"La Vie de Jean Anouilh (1910-1987) se raconte exactement comme celle de grands dramaturges comme Molière. On commence à narrer l'enfance puis vient le succès et tout à coup, il ne s'agit plus de l'homme mais de son oeuvre : on enfile les titres en racontant ce qu'ils contiennent et le succès ou l'insuccès qui leur revient." (accroche de l'article du Magazine des Livres - Janvier/février 2008)

Son théâtre vient de sortir dans la bibliothèque de la Pléiade, en deux tomes.

      

Et un extrait d'Antigone, pour le plaisir...

"Comprendre... Vous n'avez que ce mot-là dans la bouche, tous,

depuis que je suis toute petite. Il fallait comprendre qu'on ne

peut pas toucher à l'eau, à la belle eau fuyante et froide

parce que cela tache les robes. Il fallait comprendre qu'on ne

doit pas manger tout à la fois, donner tout ce qu'on a dans ses

poches au mendiant qu'on rencontre, courir, courir dans le vent

jusqu'à ce qu'on tombe par terre et boire quand on a chaud et

se baigner quand il est trop tôt ou trop tard, mais pas juste quand

on a envie ! Comprendre. Toujours comprendre. Moi, je ne veux pas

comprendre. Je comprendrai quand je serai vieille. (Elle achève

doucement.) Si je deviens vieille. Pas maintenant."

19 février 2008

Proust au marché

proust_au_march_

Tante Babette prit une profonde inspiration et plongea la main dans l’étal de salades fraîches disposées harmonieusement devant elle. Elle procédait toujours de cette manière, avec cette confiance absolue en sa chance. « Je vais prendre celle-ci », déclara-t-elle au marchand, sans jeter un regard sur l’heureuse élue, l’installant immédiatement au fond du panier en rotin, brun et usé, qui pendait à son bras.

Tante Babette était un phénomène, un de ces personnages emblématiques du marché que nous parcourions en tous sens tous les mercredis matin, un mélange de douceur et d’extravagance auquel les commerçants s’étaient peu à peu habitués. Ils l’observaient tranquillement, un petit sourire au coin des lèvres, alors qu’elle fermait les yeux et pointait son doigt vers l’aliment choisi. Se doutaient-ils qu’elle ne se trompait jamais ?

J’allais chez Tante Babette, tous les mercredis, tandis que mes parents partaient travailler. Elle n’était en aucun cas ma « tante", enfin pas au sens strict du terme. Elle était simplement la voisine d’à côté, celle avec qui nous partagions un palier triste à la peinture verte, écaillée.

J’aimais l’odeur des coussins fleuris qui ornaient son canapé. Tandis que je finissais ma nuit en rêvassant, je l’apercevais par l’interstice de mes paupières légèrement fermées, marcher sans bruit dans son appartement aux volets tirés, faire son lit et préparer tranquillement sur la gazinière en bois notre petit déjeuner commun, au parfum de chocolat et de tartines grillées.

Chez tante Babette, il y avait des livres, partout, dans des états différents de dégradation. Parfois, je l’entendais râler doucement, un chiffon à la main, contre ce temps qui jaunissait le papier et faisait trembler les doigts. Puis, un grain de poussière lui chatouillait le nez, elle éternuait bruyamment, et nous partions toutes les deux d’un éclat de rire qui n’en finissait plus.

Sa salade bien calée au fond du panier, Tante Babette s’arrêta devant un étal sur lequel le mot « biscuits » , baigné d’une lumière jaune éblouissante, mêlée à une fine odeur de sucre brûlé, fit gargouiller mon ventre. Elle paraissait ravie. Depuis que je lui avais dit ce matin avoir gagné le premier prix de dissertation à l’école, je la sentais préoccupée.

« Choisie une madeleine ! », m’ordonna-t-elle. Je tendis mes doigts, pris un biscuit au goût exotique de fleur d’oranger, et aperçu son sourire coquin.

Ce n’est qu’en lisant Proust, quelques années plus tard, que je compris la portée de ce geste, incongru et délicat, qui lui ressemblait tant. Si je m’en souviens bien, il me semble même avoir un peu pleuré et retrouvé par magie, au fond de ma mémoire, pendant quelques secondes, l’odeur poussiéreuse et raffinée de son appartement douillet.

27 janvier 2008

La passion selon Juette, Clara Dupont-Monod

juette heart

L'histoire : Juette est née au XIIème siècle, à Huy, une petite ville de l'actuelle Belgique. Elle est une enfant solitaire et rêveuse, que les travaux de couture n'intéressent pas, et qui se raconte des histoires de chevaliers et de belles dames en robes blanches. Son seul ami et confident est Hugues de Floreffe, un prêtre. Il l'écoute, tente de répondre à ses interrogations de jeune fille et reste sous le charme de cette vive intelligence, pure et différente. Pour faire taire cette enfant insoumise, ses riches parents la marie dès 13 ans, à un homme de leur condition. Juette vit ce mariage comme un viol quotidien de son être. Elle sera mère, puis veuve, cinq ans plus tard. Juette deviendra alors cette femme qui dit non, au mariage, aux hommes, au clergé corrompu.

Mon avis :  Je ne savais pas si cette histoire me plairait. Je ne suis pas très friande, d'ordinaire, des romans historiques et voilà que je me suis laissée happer par ce roman, à deux voix (celle de Juette puis celle de Hugues, alternativement) et par ce personnage, on ne peut plus extraordinaire, qui a de grandes ressemblances avec le personnage d'Antigone (interprétation toute personnelle). Ce roman là est moderne par son ton, très fort par l'intensité des émotions ressenties, très empreint de liberté. Dans un contexte historique compliqué, alors que l'église "des gros ventres" assoie par la violence sa suprématie face aux idées nouvelles des Cathares, cette jeune fille insoumise sait trouver une force singulière dans sa foi et imposer le respect. Une lecture à ne pas rater !

Extrait : "C'est l'histoire du chevalier à la Rose..." Je la récite en caressant les pierres. Mes histoires sont revenues. Elles sont intactes. Majesté des mots, plus grands que l'obscurité. Je n'ai pas besoin de bibliothèque. Mes histoires attendaient, simplement. Il ne faut pas être inquiet. Les choses qu'on aime finissent toujours par nous appartenir. J'espère qu'Hugues le sait."

Les lectures de Clarabel, Valérianne, Gambadou, Florinette

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2 mars 2008

Paris

Une fois n'est pas coutume...je suis allée au cinéma !

paris

Des maraîchers, une boulangère, une assistante sociale, un danseur, un architecte, un SDF, un prof de fac, un mannequin, un clandestin camerounais... Dans ce film choral, les personnages se croisent et se recroisent traversant la ville de Paris en tous sens. Mais Paris est avant tout l'histoire d'un jeune homme malade du coeur (interprété par Romain Duris) qui se prépare à mourir, accompagné de l'affection de sa soeur (Juliette Binoche). Du haut de la fenêtre de son appartement, il observe les autres...

Mon avis : (Avant tout, quel plaisir que le grand écran !)
La musique du générique, vraiment belle, m'a tout de suite envoûtée. Je me suis ensuite laissée rapidement happer par ces histoires qui se percutent ou s'évitent. Puis, les quelques longueurs qui parsèment le film m'ont doucement bercées, comme s'il m'était donné tout à coup de vivre près des personnages de Klapisch, là juste à côté, et de regarder Paris à travers leurs yeux. On rit, on a les larmes au bord des yeux, on est séduit par le regard triste de Romain Duris, ancien danseur que le moindre effort épuise, on ressent le froid du petit matin près des maraîchers, on tremble d'amour...aussi. La force du cinéma est présente, loin des grands effets artificiels, dans toute cette retenue, dans les regards et les sourires timides, dans les silences. Un film sur l'amour entre des êtres imparfaits, qui nous ressemblent étrangement... Bref, un film à ne pas rater !!

Bande-annonce :


Bande annonce de Paris Klapisch
envoyé par yom_

(petit-aparté : à la sortie du film, M Antigone m'a dit que j'avais le sourire et les silences de Juliette Binoche, ça c'est un compliment, non ?)

Le Paris de Bel Gazou

8 mars 2008

Les secrets des enfoirés

enfoir_s

Et bien oui, hier au soir, j'ai passé une très belle soirée à les écouter !!!

Et là, à l'heure où je vous écris, l'album tourne à fond sur ma chaîne.

Cet opus là est très dansant, énergique et revigorant, assez éloigné je trouve du plan-plan des éditions précédentes !!!

Alors, faites-vous plaisir et ne l'oubliez pas,
la vie n'est pas un long fleuve tranquille...

...ils comptent sur nous.

Le site officiel : des photos, l'actualité, etc...

11 décembre 2008

Le Pays sans Adultes, Ondine Khayat

lepayssansadultes"J'ai onze ans, et je vis dans une famille complètement tordue. Heureusement qu'il y a mon frère Maxence. Lui, c'est mon manuel de savoir-survivre. Le soir, on ferme nos oreilles à double tour, pour ne plus entendre les cris de nos parents qui se disputent.
Croyez-moi sur parole, la vie, c'est pas pour les enfants."
(extrait de la quatrième de couverture)

Imaginez-vous cette scène : vous êtes un enfant, vous êtes au collège, à la piscine plus exactement, quelqu'un, un camarade sans doute, vous a poussé dans le grand bassin. Vous êtes tombé dans l'eau, la tête la première, mais vous ne savez pas nager, personne ne vous a appris, et vous coulez, vous le savez, votre corps glisse vers le fond, vous pouvez même raisonnablement penser avec une acuité insoutenable que vous êtes en train de vous noyer. Au plus profond de votre angoisse, une barre en fer vous choque la poitrine, alors vous vous accrochez à elle, par instinct, le nez plein de chlore. C'est désagréable cette lutte pour remonter à la surface, étouffant, mais soudain votre tête sort de l'eau, l'air mêlé d'espoir s'engouffre dans votre bouche, vous ne mourrez pas aujourd'hui, vous êtes sauvé, vous respirez.

Cette scène n'existe pas dans Le Pays sans Adultes, je l'ai inventée. Et pourtant, elle correspond exactement à mon impression de lecture. Difficile en effet d'expliquer avec d'autres mots cette descente inexorable dans l'horreur et cette remontée, en fin d'ouvrage vers un avenir meilleur. Difficile de juger cette écriture, à la limite de la facilité, et qui pourtant n'y tombe jamais...

Slimane a onze ans. Il est le narrateur de cette histoire. Il vit un enfer quotidien fait de violence, de misère et d'injustice. Son père, le "Démon", sème la terreur et les coups. Lorsque le grand-frère, Maxence, disparaît, parti rejoindre le "Pays sans Adultes", Slimane décide de le suivre. Ce qui aurait pu être entraîner sa perte deviendra finalement son unique planche de salut...

bouton3 Note de lecture : 4/5

ISBN 978 2 8433 7508 8 - 19€ - 11/08

Un grand merci à Chez les filles pour cette découverte !

La lecture de Cathulu (qui en a eu les larmes aux yeux), celle de Saxaoul, celle de Aifelle et celle de Lily.

4 décembre 2008

Andrée Chédid

terreetpo_sieTerre et poésie (extraits)

Vivre en poésie, ce n'est pas renoncer ; c'est se garder à la lisière de l'apparent et du réel, sachant qu'on ne pourra jamais réconcilier, ni circonscrire. [...]

Si la poésie n'a pas bouleversé notre vie, c'est qu'elle ne nous est rien. Apaisante ou traumatisante, elle doit marquer de son signe ; autrement, nous n'en avons connu que l'imposture. [...]

Il est vital pour le poète de lever des échos, et de le savoir. Nul mieux que lui ne s'accorde aux solitudes ; mais aussi, nul n'a plus besoin que sa terre soit visitée. [...]

La poésie - par des voies inégales et feutrées - nous mène vers la pointe du jour au pays de la première fois.  [1956]

26 janvier 2009

Déjà !

d_j_Hé quoi ?... Déjà ?... Amour léger comme tu passes !
A peine avons-nous eu le temps de les croiser
Que mutuellement nos mains se désenlacent.
Je songe à la bonté que n'a plus le baiser.

Un jour partira donc ta main apprivoisée !
Tes yeux ne seront plus les yeux dont on s'approche.
D'autres auront ton coeur et ta tête posée.
Je ne serai plus là pour t'en faire un reproche.

Quoi ? sans moi, quelque part, ton front continuera !
Ton geste volera, ton rire aura sonné,
Le mal et les chagrins renaîtront sous tes pas ;
Je ne serai plus là pour te le pardonner.

Serait-il donc possible au jour qui nous éclaire,
A la nuit qui nous berce, à l'aube qui nous rit,
De me continuer l'aumône éphémère,
Sans que tu sois du jour, de l'aube et de la nuit ?

Sera-t-il donc possible, hélas, qu'on te ravisse,
Chaleur de mon repos qui ne me vient que d'elle !
Tandis que, loin de moi, son sang avec délice
Continuera son bruit à sa tempe fidèle.

La voilà donc finie alors la course folle ?
Et tu n'appuieras plus jamais, sur ma poitrine,
Ton front inconsolé à mon coeur qui console,
Rosine, ma Rosine, ah ! Rosine, Rosine !

Voici venir, rampant vers moi comme une mer,
Le silence, le grand silence sans pardon.
Il a gagné mon seuil, il va gagner ma chair.
D'un coeur inanimé, hélas, que fera-t-on ?

Et bien, respire ailleurs, visage évanoui !
J'accepte. A ce signal séparons, nous ensemble...
Me voici seul ; l'hiver là... c'est bien... Nuit.
Froid. Solitude... Amour léger comme tu trembles !

Extrait de Le beau voyage, Henry Bataille

8 avril 2015

Anne-Véronique Herter, Zou !

zou

 "Ce que j'ai vécu ces derniers mois me bouleverse. Je croyais que la seule façon d'aimer ma famille était d'en être un élément non perturbant. La seule façon de m'y faire aimer était de leur refléter leur propre image, à tous. Je suis le caméléon familial, et je m'en rends compte à présent ! Le pire, c'est que cela ne satisfait personne, ni moi ni eux. [...] J'ai deux enfants en pleine forme, un ex-mari avec qui je m'entends bien, une belle vie, mais je n'arrive pas à être heureuse. Tout ce temps, j'ai vécu à travers les autres, et à travers notre maison de famille. Aujourd'hui, je suis bancale, mais je me redresse."

Il faut laisser la maison de vacances en Bretagne, la vendre, les frais de succession ne permettant pas de la garder. Mais laisser cette maison est une grande blessure pour Chance qui perd avec elle son passé, ses fantômes, toute son histoire, et elle le craint un peu de son identité. Mais Zou ! c'est peut-être également le moment de prendre un nouveau départ, d'embarquer avec soi sa drôle de famille, et de coucher tout ça sur une page blanche. Pas si simple. La page blanche, même informatique, se rebiffe, invective, les murs et les morts aussi. Il faudra alors toute la force de l'impulsion sollicitée au départ pour se rendre compte qu'on ne peut pas rester la seule réincarnation d'un frère disparu mais une personne à part entière, belle, créative, aimée, amenée à creuser dorénavant son propre sillon.

Il est de ces livres qui arrivent dans nos mains au bon moment, quand justement des questions se posent, et quand un mode de fonctionnement montre ses limites. Alors, on puise dans le récit des autres des petites clés à prendre pour soi. Et on comprend si bien son héroïne, presque trop, malgré des chemins différents. Il est de ces livres qui sont de belles rencontres, qui font écho à des rencontres réelles [clic ici], et dont on aime la liberté de forme (un peu chorale et originale), la vitalité, la gravité et la sincérité. Merci Anne-Véronique Herter ! J'attends maintenant avec impatience le second roman qui s'annonce.

Editions Michalon - 15 € - Août 2014

Le blog de Anne-Véronique Herter - Noukette a lu ce roman le sourire aux lèvres - Un roman qui fleure bon l'optimisme pour Stephie - Pas étonnée de trouver de l'écho chez Leiloona aussi !! - L'irrégulière a été touchée, voire bouleversée  !

23 février 2015

Ma colère (atelier d'écriture)

atelier155

Ma colère a cessé. Je la cherchais tout à l'heure. Elle m'aurait été bien utile pourtant, je voulais crier sur toi, te faire entendre raison. Parfois, tu m'agaces avec tes certitudes, tes bêtises. Mais non, elle avait disparu. Je me suis retrouvée toute bête devant toi, les bras ballants, tout sèche, avec ma colère apaisée, et cette drôle de sensation dans le corps, ce désir de tempérance que je ne me connaissais pas. Toi même tu a été surpris, tu étais prêt à batailler un peu, parce que tu aimes ça, me titiller, me faire sortir de mes gonds. C'est un jeu auquel nous jouons souvent. Et puis à la fin, j'ai en général envie de te gifler, ou de pleurer. Je ne sais pas à quoi te servent mes énervements, si tu les attends vraiment, pourquoi tu les provoques. Je n'en suis pas fière. Ils se terminent souvent par ton sourire en coin, et mes plates excuses, comme si tu n'avais aucun tort, et moi la faute de ne pas savoir tenir mes transports, et garder mon sang froid. Un jour, ça finira mal notre histoire. Mais hier, j'ai rêvé de toi. C'était la première fois. Il y avait de la neige partout, nous étions dehors, et nous nous disputions encore pour des broutilles. Je ne sais pas comment c'est arrivé mais il y a eu un drame, un accident, j'étais blessée, toi peut-être mort, et la police est arrivée. Je me suis réveillée troublée. Je ne voulais pas de ça, de cette sensation que je pouvais te perdre. C'est sans doute ce qui a tué ma colère tout à l'heure, l'a tuée dans l'oeuf. Un rêve, comme de l'eau jetée sur le feu de mon agacement. Et il était si amusant aussi, ton air décontenancé. Nous avons observé tous les deux ta phrase cinglante se perdre dans l'atmosphère. Je crois que j'ai ri un peu, tu as rougis violemment. Il y avait de la neige au dehors, quatre policiers se tenaient dans l'allée qui séparent les immeubles du centre d'affaires où nous déjeunons souvent. J'ai senti la chaleur de l'apaisement envahir mon esprit, et j'ai aimé ça je crois. Je t'ai bousculé un peu pour que tu t'assoies près de moi, mon plateau contre le tien, dans cette cafétéria qui est notre rendez-vous régulier. Un jour je te le dirai mon frère - mais pas aujourd'hui je savoure ma petite victoire -, à quel point je t'adore.

Une photo (de Romaric Cazaux), une inspiration, et au final un texte... tout ça pour l'atelier d'écriture de Leiloona [clic]. Bon, cette fois-ci, je ne suis pas très certaine de mon texte quand même... Je précise qu'il est sorti tout droit de mon imagination, et en plus je n'ai pas de frère.

2 mars 2009

La fille de Carnegie, Stéphane Michaka

la_fille_de_carnegie"Dans une ville comme ça, géante comme ça, dangereuse, imprévisible, perverse en ses moindres recoins, on ne se promène jamais sans craindre une mauvaise rencontre. Mais vue de très haut, dans l'oeil d'une mouette ou d'une escarbille, New York ne fait plus peur. C'est une bande de terre étroite, bruyante et chaude, sur laquelle l'escarbille se propose de planer un moment."

Un homme a été assassiné de trois coups de feu et est tombé d'une loge en pleine représentation de la Flûte enchantée au Métropolitan Opéra. Robert Tourneur, chef des inspecteurs à la brigade des homicides, est dépêché sur les lieux mais l'enquête à peine entamée trouve vite son coupable, un individu a été stoppé dans sa fuite et arrêté. Cet homme, l'inspecteur Tourneur a toutes les raisons de le détester, il s'agit d'un ancien collègue, Lagana, déjà coupable selon lui de la mort d'une amie très chère, Fran. Mais que faisait-il dans la loge de Sondra Carnegie, héritière richissime et critique d'opéra reconnue ? Une longue nuit de garde à vue commence dont seule la vérité sortira blanchie.

heart Attention talent !
Je ne pensais pas pouvoir dire cela d'un roman policier un jour, mais j'ai été subjuguée par l'écriture de celui-ci, et par la manière toute particulière de l'auteur de nous amener par des chemins détournés, magnifiques, vers le dénouement de l'intrigue.
Stéphane Michaka a cette aptitude étonnante et pas si courante (Est-ce dû à ses activités d'homme de théâtre ?) de savoir peaufiner des dialogues percutants, des réparties fines qui m'ont amenée à sourire bien souvent, et des scènes remarquables, comme des tableaux, très visuelles, qui sont un régal pour le lecteur. Parfois, l'écriture tourne, nous perd un peu, se ménage des petites absences, et j'ai aimé être ainsi ballottée puis rattrapée. Les personnages, extrêmement bien brossés prennent vie devant nous, ils sont sans conteste de chair et de sang. Ce livre est un premier roman, sans doute, mais quelle maîtrise, j'en redemande ! Le voilà enfin mon coup de coeur, dans cette catégorie !

bouton3 Note de lecture : 5/5

Un titre lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices BOOKPAGES 2009
Catégorie Policiers

ISBN 978 2 7436 1853 7 - 10.50 € - 09/2008

23 janvier 2009

Moment d'écoute

Comme je vous l'annonçais en blog-it, je me suis donc rendue mercredi soir à une lecture publique menée par Didier Daeninckx...
La salle était pleine. Arrivée un peu tardivement, je me suis retrouvée grâce à quelques chaises rajoutées juste en face de lui. Voilà qui était bien intimidant mais bien pratique aussi pour écouter...

Didier Daeninckx nous a lu des nouvelles inédites (qui seront publiées l'année prochaine) et un article (extrait de La Mémoire longue), appuyant de ses gestes et de sa voix les phrases auxquelles il semblait tenir le plus, les adjectifs décisifs.
Ses récits sont baignés d'une atmosphère particulière, d'alcool, de tropiques et de livres, mais également empreintes d'admiration (Jack london, Billy Wilder, Willy Ronis).

Il nous a ensuite raconté quelques anecdotes, sur la création des fameux Poulpe par exemple, ou comment naissaient ses articles, comment ils pouvaient s'intégrer ensuite dans ses livres...

Je suis ressortie de ce moment d'écoute enchantée. Didier Daeninckx est un écrivain engagé, riche de multiples influences, dont il me tarde de lire à présent les livres. Lequel me conseilleriez vous ? 

Biographie de son éditeur Verdier : Né en 1949, à Saint-Denis, Didier Daeninckx a exercé pendant une quinzaine d’années les métiers d’ouvrier imprimeur, animateur culturel et journaliste localier. En 1984, il publie Meurtres pour mémoire dans la « Série Noire » de Gallimard. Il a depuis fait paraître une trentaine de titres qui confirment une volonté d’ancrer les intrigues du roman noir dans la réalité sociale et politique.
Plusieurs de ses ouvrages ont été publiés dans des collections destinées à la jeunesse (Syros-Souris Noire, « Page Blanche » chez Gallimard, Flammarion). Il est également l’auteur de nombreuses nouvelles qui décrivent le quotidien sous un aspect tantôt tragique, tantôt ironique, et dont le lien pourrait être l’humour noir.
Il a obtenu de nombreux prix (Prix populiste, Prix Louis Guilloux, Grand prix de littérature policière, Prix Goncourt du livre de jeunesse...), et en 1994, la Société des Gens de Lettres lui a décerné le Prix Paul Féval de Littérature Populaire pour l’ensemble de son œuvre.

Son site personnel

13 juin 2008

Henry Bauchau

bauchau3A propos d'Antigone, toujours...

"J'ai écrit Antigone à l'ombre redoutable de Sophocle. Sophocle est inégalable, il y a en lui la lumière d'aurore qui a éclairé la Grèce et qui n'est plus celle de notre temps. Je me suis risqué pourtant et je n'ai pas fait une tragédie mais tout autre chose : un roman. Le roman m'a fait don d'une autre dimension du temps, et l'Antigone de mon livre n'est pas la jeune fille d'un acte décisif, d'un débat, d'un refus entraînant sa condamnation et son suicide. Elle est la fille patiente, intrépide, d'un monde nouveau, qui, après dix ans d'inititation et d'échec, devient celle dont une autre femme peut dire avec confiance : "Si elle tombe, elle se relèvera. Elle est comme ça !"

(extrait de Antigone, dirigé par Aliette Armel)

15 mai 2009

Chârulatâ, Rabindranath Tagore

Chârulatâ est une épouse délaissée. Son époux, Bhupati, consacre tout son temps à la survie du journal qu'il a fondé, mais soucieux tout de même de distraire sa femme il confie à son jeune cousin Amal, étudiant, l'éducation de la jeune femme et les encourage à discuter littérature. Ceux-ci se rapprochent, s'amusent à des jeux affectifs innocents. Leurs rapports prennent très vite un caractère exclusif qui effraie le jeune homme. Ce dernier acceptera en hâte un mariage arrangé qui l'éloignera finalement du pays et le fera émigrer vers l'angleterre...

"charulataTagore a 39 ans quand il écrit Chârulatâ. Plusieurs de ses biographes ont vu dans ce court roman le souvenir des relations que le jeune Rabindranath entretenait avec la femme d'un de ses frères aînés. Elle n'avait que sept ans de plus que son beau-frère dont elle partageait les goûts littéraires. Elle se suicida à l'âge de 25 ans, quelques mois seulement après le mariage du poète." (quatrième de couverture)

Ce petit livre est le deuxième roman inédit de Tagore édité chez Zulma.
Il est plus profond qu'il n'y paraît au préalable. On en commence les premières pages en se demandant où les jeux d'écriture des deux personnages désoeuvrés vont les mener et on en referme les derniers feuillets avec l'impression d'avoir lu un petit bijou littéraire.
J'ai surtout aimé ces passages très forts pendant lesquels Chârulatâ se questionne, ne comprend pas cette peine qui la submerge suite au départ d'Amal. Son désespoir quand elle réalise, un peu tard, les sentiments qu'elle ressentait pour le jeune étudiant est ce qui m'a semblé de mieux rendu par l'auteur. Me sont revenus étrangement en mémoire quelques passages de La chartreuse de parme de Stendhal...sans doute à cause de cette manière un peu excessive qu'à l'héroïne d'exprimer sa souffrance.
Un roman que je vous conseille chaudement, surtout si vous êtes adeptes de drames amoureux - vous serez servis !!

Un extrait...
"Châru était elle-même stupéfaite du caractère insupportable de sa douleur et de son agitation intérieure. Elle craignit une maladie mentale incurable. Elle n'arrêtait pas de se demander pourquoi elle avait tant de peine. (Qu'est-il pour moi, cet Amal, qu'il me faille tant souffrir à cause de lui ? Que m'est-il arrivé ? Que m'est-il arrivé après si longtemps ? Les servantes, les serviteurs, les porteurs, tous circulent dans la rue sans soucis, pourquoi, moi, ai-je subi cette épreuve ? O Seigneur Hari, pourquoi m'avoir exposé à un danger pareil ?) Elle ne cessait de se poser des questions et de s'étonner. Sa douleur n'admettait pas de répit. Le souvenir d'Amal occupait tant de place à l'intérieur comme à l'extérieur qu'elle ne voyait pas où s'enfuir."

bouton3 Note de lecture : 4.5/5

ISBN 978 2 84304 441 0 - 15€ - Février 2009

Satyajit Ray en a fait un film en 1964... L'extrait a un petit côté kitsch assez éloigné du roman, mais très rafraichissant !

16 septembre 2009

Assez parlé d'amour, Hervé Le Tellier (Rentrée littéraire 2009)

assez_parl__d_amour"Que celle - ou celui - qui ne veut pas - ou plus - entendre parler d'amour repose ce livre."

Anna et Louise sont deux femmes mariées, apparemment heureuses, qui ne se connaissent pas, mais qui vont vivre, à quarante ans et en simultané, la naissance d'un nouvel amour, tout neuf. Un amour bouleversant et régénérant. Leurs destins vont se croiser sans jamais se toucher, les sentiments envers leurs amants se développer en douceur, sans drame, comme une évidence.
La première rencontre Yves, écrivain. La seconde, Thomas, psychanalyste.

Près d'elles, les maris savent mais ne disent rien ; les enfants voient et acceptent, à peine inquiets.
Anna et Louise n'ont plus qu'à sonder en elles leurs désirs profonds pour guider leurs pas vers un avenir indécis mais amoureux.


Voilà une histoire, découpée en très courts chapitres, dans laquelle j'ai eu du mal à m'immerger totalement dans sa toute première moitié. Sans doute une indisponibilité d'esprit passagère, car le charme du récit a finalement réussi à me séduire. En effet, la banalité de l'adultère dépassé, nous plongeons dans une douceur de sentiments assez délectable, une description de l'état amoureux assez précise et jubilatoire.
J
'ai refermé ce livre, complètement enthousiasmée par ma lecture !

Par ailleurs, Hervé Le Tellier, l'auteur, est membre de l'Oulipo. J'ai donc cherché naturellement dans son roman une clé à comprendre, un code. Yves, l'écrivain de l'histoire, semble en donner un indice page 189 : « Yves veut écrire un roman à six personnages. Il associera chacun d’entre eux aux numéros des dominos, le zéro valant pour un personnage secondaire, jamais le même. Le roman reproduira le déroulement d’une partie de dominos abkhazes… », et l’on se prend à penser que l’on est sans doute en train de le lire ce fameux roman, pour lequel Anna suggère qu’Yves mette « amour » dans le titre ...

Mais ne rien savoir d'un éventuel stratagème préexistant, ne rien deviner de l’attribution des rôles, ne gêne en rien cette lecture, qui restera certainement pour moi un bien joli souvenir.

« Mentalement, Louise a d’abord rempli des listes, aligné des colonnes. Elle a construit un quadrillage aussi rationnel que les blocks d’une ville américaine. Une colonne Pour quitter Romain. Une colonne Contre. « Je t’aime encore », dans la colonne Pour. Ou plutôt, elle aime encore l’avoir aimé, c’est comme l’arrière-goût sucré d’un café. « Je ne t’aime plus », dans la colonne Contre. Ou plutôt, elle ne l’aime plus comme il faudrait qu’elle l’aime pour continuer à l’aimer. »

bouton3 Note de lecture : 4,5/5

ISBN 978 2 7096 3342 0 - 17€ - AOUT 2009

« Ce blog a décidé de s'associer à un projet ambitieux : chroniquer l'ensemble des romans de la rentrée littéraire ! "
Merci à Ulike et au site

            chronique_de_la_rentree_litteraire

Hervé Le Tellier sera présent en mai 2010 au Grand R (La Roche sur Yon) pour un stage d'écriture

La lecture de Cathulu - Et celle de Cuné...toutes les deux sont enchantées !!

Défi 1% littéraire 2009 : 5/7

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Les lectures d'Antigone ...
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  • "Tu vois, moi, j'ai des passions, les livres, ça me sauve... J'ai traversé mes temps morts avec des gens qui ont oeuvré pour ça, ceux qui ont écrit... J'ai le livre en main et c'est du carburant pour ma vie à moi..." Jeanne Benameur
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